Tout autour la toundra, la toundra nue [...]. Je pressens qu'ici ce sera une fabrique de mort [...]. Partout des cadavres, des jambes nues, des poitrines, ici et là, des cheveux sortent de la neige. Ils sont congelés comme des morceaux de bois, dans toutes les positions [...]. Pourtant ce n'est encore que l'automne, tout juste le début de l'hiver. Qu'en sera-t-il plus tard ? Combien d'entre nous survivront-ils ? [...] Les journées passent péniblement. Chacune d'elle est inhumaine, longue, épuisante [...]. Notre baraque est un véritable hôpital. Le scorbut nous affaiblit les uns après les autres. Tout le monde est malade [...]. Le désir fou de vivre, de tout supporter, de lutter même s'il fallait en endurer cent fois davantage : vivre, vivre, vivre, et retourner à la vie, bon sang. [...] Nous sommes des bêtes affamées, des bêtes en train de crever [...]. On nous traite comme des bêtes, on nous tue, on nous blesse, on se moque de nous, on nous torture vivants. Nous sommes innocents. Et nous ne devons pas oublier cela, nous ne devons pas oublier toutes ces offenses, nous sommes innocents, nous... Ce sont eux les criminels.