Bahman, Perviz et Parizade sont revenus chez eux. Le sultan rencontre les deux frères au cours d'une journée de chasse et les trois hommes se lient d'amitié sans connaître le lien qui les unit. L'oiseau qui parle conseille à la princesse d'inviter le sultan à dîner et de lui servir des concombres farcis aux perles.
La princesse ouvrit une porte qui donnait sur le jardin ; et ce qui frappa d'abord les yeux du sultan fut la gerbe 1 d'eau jaune, couleur d'or. Surpris par un spectacle si nouveau pour lui, et après l'avoir regardée quelque temps avec admiration :
« D'où vient cette eau merveilleuse, dit-il, qui fait tant de plaisir à voir ? Où en est la source ? Et par quel art en a-t-on fait un jet si extraordinaire, et auquel je ne crois pas qu'il y ait rien de pareil au monde ? Je veux voir cette merveille de près. »
La princesse continua de le conduire, et elle le mena vers l'endroit où l'arbre harmonieux était planté.
En approchant, le sultan, qui entendit un concert tout différent de ceux qu'il avait jamais entendus, s'arrêta et chercha des yeux où étaient les musiciens ; et comme il n'en vit aucun ni près ni loin, et que cependant il entendait le concert assez distinctement pour en être charmé :
« Ma belle, dit-il, en s'adressant à la princesse Parizade, où sont les musiciens que j'entends ? Sont-ils sous terre ? Sont-ils invisibles dans l'air ? Avec des voix si excellentes et si charmantes, ils ne craindraient rien s'ils se montraient : au contraire, ils feraient plaisir. »
« Sire, répondit la princesse en souriant, ce ne sont pas des musiciens qui forment le concert que vous entendez, c'est l'arbre que votre Majesté voit devant elle ; et si elle veut se donner la peine d'avancer de quatre pas, elle n'en doutera pas, et les voix seront plus distinctes. […] Cet arbre n'a pas d'autre nom que celui d'arbre qui chante, et il n'en croît 2 pas dans le pays ; il serait trop long de raconter par quelle aventure il se trouve ici. »
[Le sultan admire à nouveau l'eau jaune.]
« Selon vous, ma belle, dit-il, en s'adressant toujours à la princesse, cette eau n'a pas de source, et elle ne vient d'aucun endroit aux environs, par un conduit amené sous terre ; au moins je comprends qu'elle est étrangère, de même que l'arbre qui chante. »
« Sire, reprit la princesse, cela est comme votre Majesté le dit ; et pour preuve que l'eau ne vient pas d'ailleurs, c'est que le bassin est d'une seule pièce, et qu'ainsi elle ne peut venir ni par les côtés, ni par-dessous ; et ce qui doit rendre l'eau plus admirable à votre Majesté, c'est que je n'en ai jeté qu'un flacon dans le bassin, et qu'elle a foisonné comme elle le voit, par une propriété qui lui est particulière. »
[Le sultan entre dans le salon et découvre l'oiseau qui parle. Il se met ensuite à table.]
Le sultan qui vit devant lui le plat de concombres qu'il croyait farcis à l'ordinaire y porta d'abord la main, et son étonnement fut extrême de les voir farcis de perles.
« Quelle nouveauté ! », dit-il. À quel dessein 3 une farce de perles ? Les perles ne se mangent pas ! »
Il regardait déjà les deux princes et la princesse pour leur demander ce que cela signifiait ; mais l'oiseau l'interrompit :
« Sire, votre Majesté peut-elle être dans un étonnement si grand d'une farce de perles qu'elle voit de ses yeux, elle qui a cru si facilement que la sultane son épouse avait accouché d'un chien, d'un chat, d'un morceau de bois ? »
1. Jet.
2. Pousse.
3. Dans quel but.