LA BELLE‑MÈRE (à la très jeune fille). – Et toi tu ramasseras les oiseaux morts
qui s'écrasent contre les vitres dans le jardin et qui s'entassent par terre.
LA TRÈS JEUNE FILLE (satisfaite). – Très bien, ça c'est bien, je vais aimer faire
ça ramasser les cadavres d'oiseaux1, ça va me faire du bien de ramasser des oiseaux
morts, avec mes mains. (un petit temps) Ma mère, elle aimait bien les oiseaux.
Le père fait signe à sa fille de se taire.
LA BELLE‑MÈRE (à la très jeune fille). – Tu nettoieras les cuves des sanitaires,
les cuves des sept2 sanitaires des trois2 étages.
LA TRÈS JEUNE FILLE (satisfaite). – Je crois que je vais aimer faire ça les cuves
des sept sanitaires, ça va me faire du bien de nettoyer les cuves des sept sanitaires.
LA BELLE‑MÈRE. – Voilà.
LE PÈRE (à la belle-mère). – Ça va peut-être aller comme ça ?!
Un temps.
LA TRÈS JEUNE FILLE (au père). – Tu te souviens, maman, elle détestait faire
ça les sanitaires ?
Le père a l'air accablé.
LA BELLE‑MÈRE (de plus en plus violente, à la très jeune fille). – Et tu nettoieras les
lavabos et les baignoires de toute la maison, tu les déboucheras aussi, partout où ils
sont encombrés et bouchés, surtout dans la chambre des filles3, tu retireras les touffes
de cheveux, les touffes de mèches de cheveux emmêlés et mélangés avec la crasse.
LE PÈRE (à la belle‑mère). – Ça va aller !
LA TRÈS JEUNE FILLE. – Oui, ça aussi, je crois que je vais aimer ça, retirer
les cheveux des lavabos, c'est dégueulasse, ça va me faire du bien.
LA BELLE-MÈRE. – Parfait.
LA TRÈS JEUNE FILLE. – En plus, ma mère elle avait les cheveux longs et elle
en mettait toujours partout.
Le père, dépassé, semble désespéré.
LA BELLE‑MÈRE. – Voilà. Et ça c'est une première répartition des tâches pour
commencer et démarrer la nouvelle organisation des choses pratiques ici dans
cette maison, on continuera ça un peu plus tard.
Elle sort, suivie de ses deux filles. Le père allume une cigarette.
LE PÈRE (à sa fille). – [J'ai] envie de refaire ma vie, de recommencer une nouvelle
vie… Il faut que tu fasses des efforts et que tu comprennes ça, s'il te plaît,
sinon ça ne marchera pas.
On entend la belle‑mère : « Et alors qu'est-ce que tu fais toi, tu viens ? J'ai à te parler. » Le
père, surpris et effrayé, tend brusquement sa cigarette à la très jeune fille et sort rejoindre
la belle‑mère. La très jeune fille écrase la cigarette4 sur la semelle de sa chaussure.
Dans le conte des frères Grimm, les oiseaux aident Cendrillon dans ses tâches ménagères.
Les filles appelleront Sandra « Cendrier », rappelant la Cendrillon du conte.