Pierre Corneille, âgé de 52 ans, est amoureux d'une jeune comédienne de la troupe de Molière, Marquise‑Thérèse de Gorla, dite Mlle du Parc, et compose pour elle ces vers. Mais c'est Jean Racine (qui a 33 ans de moins que Corneille) qui deviendra son amant. Il écrira d'ailleurs pour elle Andromaque (
)
, tragédie dont elle interprétera le rôle‑titre.
Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu'à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux.
Le temps aux plus belles choses
Se plaît à faire un affront,
Et saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front.
Le même cours des planètes
Règle nos jours et nos nuits :
On m'a vu ce que vous êtes ;
Vous serez ce que je suis.
Cependant j'ai quelques charmes
Qui sont assez éclatants
Pour n'avoir pas trop d'alarmes
De ces ravages du temps.
Vous en avez qu'on adore ;
Mais ceux que vous méprisez
Pourraient bien durer encore
Quand ceux-là seront usés.
Ils pourront sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu'il me plaira de vous.
Chez cette race nouvelle
Où j'aurai quelque crédit,
Vous ne passerez pour belle
Qu'autant que je l'aurai dit.
Pensez‑y, belle Marquise.
Quoiqu'un
grison1 fasse effroi,
Il vaut bien qu'on le courtise,
Quand il est fait comme moi.