Le chevalier, à pieds, sans lance,
Pour rejoindre la charrette s'avance,
Et il voit un nain dans le bourbier,
Qui tenait, en bon charretier,
Un long bâton dans sa main.
Et le chevalier dit au nain :
« Nain, pour Dieu, dis-moi
Si tu as vu par ici
Passer ma dame, la reine. »
Le nain perfide et de mauvaise origine
Ne voulut point lui en donner des nouvelles,
Il lui dit seulement : « Si tu veux monter
Sur la charrette que je mène,
D'ici demain tu pourras savoir
Ce que la reine est devenue.
Aussitôt, il a repris son chemin,
Sans l'attendre un seul instant.
L'espace de deux pas seulement,
Le chevalier hésite à y monter.
Quel malheur qu'il ait hésité, qu'il eût honte de monter,
Et qu'il ne sautât sans attendre dans la charrette,
Cela lui causera bien des souffrances !
Mais Raison, qui s'oppose à Amour,
Lui dit de se garder de monter,
Elle l'exhorte et lui enjoint
De ne rien faire ni entreprendre
Dont il ne retire de la honte ou des reproches.
Ce n'est pas dans le cœur, mais sur la bouche,
Que Raison ose dire ceci.
Mais Amour est enfermé dans le cœur,
Il lui demande et l'implore
De monter immédiatement dans la charrette.
Amour le veut, alors il saute dedans :
Peu lui importe de la honte,
Puisqu'Amour lui ordonne et le souhaite.