Charles d'Orléans mena les armées françaises contre celles d'Angleterre pendant une partie de la Guerre de Cent Ans. Pendant son emprisonnement, qui dure vingt‑cinq ans, il écrit l'essentiel de son œuvre poétique.
Mon cœur
vous ajourne1, Vieillesse,
Par droit
huissier de parlement2,
Devant Raison qui est maîtresse,
Et juge de vrai jugement.
Depuis que le gouvernement
Avez eu de
lui3 et de moi,
Vous nous avez, par tyrannie,
Mis sous le joug de Mélancolie
Sans savoir la cause pourquoi.
Auparavant nous tenait Jeunesse
Et nourrissait4 si tendrement,
En plaisir, confort et
liesse5
Et tout joyeux divertissement ;
Or vous faites tout autrement.
Ce vous est honte, sur ma foi,
Car en douleur et maladie
Nous faites user notre vie,
Sans savoir la cause pourquoi.
De quoi vous sert cette détresse
À donner
sans allègement6 ?
Croyez-vous pour telle rudesse
Avoir honneur aucunement ?
Nenni7, certes, car vraiment
Chacun vous montrera du doigt,
Disant : la vieille
rassotie8
Tient tous maux en sa compagnie.
Sans savoir la cause pourquoi.
ENVOI AU PRINCE
Ce saint Martin9 présentement,
Qu'avocats10 font commencement
De plaider les faits de la loi,
Prenez bon conseil, je vous prie,
Ne faites ni débat ni
partie11,
Sans savoir la cause pourquoi.