Où s'arrête la ville ? Où commence la campagne ? Difficile à dire hier,
encore plus compliqué à trancher aujourd'hui. Les frontières entre ces deux
ensembles s'estompent, laissant entrevoir, entre le rural profond et l'urbain
aggloméré, ce que le géographe Martin Vanier nomme un « tiers espace ».
« Ni rural ni urbain, le périurbain est traditionnellement défini en creux
comme un débordement incontrôlé de la ville, davantage que par ses caractéristiques
propres », explique Lucile Mettetal, géographe et urbaniste. Pire, ces
espaces sont souvent méprisés par les urbains au motif qu'ils grignoteraient
la nature et la défigureraient. « Halte à la France moche ! » titrait en 2010
le magazine Télérama dans un numéro qui avait alors fait polémique. Il n'est
donc pas surprenant que le périurbain soit resté une catégorie analytique et
institutionnelle très peu adoptée par ses habitants, qui représentent pourtant
près d'un tiers de la population hexagonale.
[...] La périurbanisation a débuté dans les années 1970 sous l'effet de deux
tendances qui ont joué en sens contraire : d'une part, la concentration des
emplois qualifiés (majoritairement tertiaires) dans les centres urbains, d'autre
part, la volonté de nombreux ménages de s'éloigner des centres pour gagner
en surface habitable et en qualité de vie. De 1999 à 2013, la part des navetteurs
dans l'ensemble des personnes occupant un emploi est passée de 58 %
à 64 %, et la proportion des trajets de moins de 10 km a diminué au profit de
ceux compris entre 20 km et 50 km, indique l'Insee. Ces tendances, rendues
possibles par la démocratisation de l'accès à la voiture individuelle, pèsent
effectivement sur l'utilisation des terres : 73 % des espaces artificialisés entre
2006 et 2016 se situent dans des communes en zones non tendues. [...]
Le monde périurbain constitue une véritable mosaïque.[...] « Afin de
recréer une identité périurbaine plus valorisante, il semble plus judicieux de
parler de "campagnes urbaines" », souligne Lucile Mettetal. Cet oxymore,
utilisé pour la première fois en 1998 par le paysagiste Pierre Donadieu, et
repris en 2016 dans un rapport de l'urbaniste Frédéric Bonnet sur l'aménagement
des territoires ruraux et périurbains, permet en effet de briser l'opposition
traditionnelle entre le rural et l'urbain, pour mettre en valeur leur
complémentarité et penser des systèmes plus intégrés autour des métropoles.
« Le périurbain n'est plus une simple zone d'accueil transitoire en attente d'un
inévitable rattrapage urbain. C'est une véritable terre d'ancrage », conclut
Lucile Mettetal.