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Philosophie Terminale

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SECTION 1 • Le roseau pensant
Ch. 1
La conscience
Ch. 2
L’inconscient
Ch. 3
Le temps
Ch. 4
La raison
Ch. 5
La vérité
SECTION 2 • Le fils de Prométhée
Ch. 6
La science
Ch. 7
La technique
Ch. 8
L’art
Ch. 9
Le travail
SECTION 3 • L’animal politique
Ch. 10
La nature
Ch. 11
Le langage
Ch. 12
L’État
Ch. 13
Le devoir
SECTION 4 • L’ami de la sagesse
Ch. 14
La justice
Ch. 16
La liberté
Ch. 17
Le bonheur
Fiches méthode
Biographies
Annexes
Chapitre 15
Réflexion 1

Peut-on concevoir une culture sans religion ?

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Texte 1
Sécularisation et désenchantement du monde

Dans ce texte, l'auteur souligne un phénomène de désenchantement du monde. En effet, le progrès de la rationalité, et tout particulièrement des sciences, s'accompagne d'une compréhension intellectuelle du monde qui aboutit à son désenchantement. L'homme ne peut alors plus se saisir de sa vie, qui devient un événement sans signification.

 Le progrès scientifique est un fragment, le plus important il est vrai, de ce processus d'intellectualisation auquel nous sommes soumis depuis des millénaires et à l'égard duquel certaines personnes adoptent de nos jours une position étrangement négative.

 Essayons d'abord de voir clairement ce que signifie en pratique cette rationalisation intellectualiste que tous devons à la science et à la technique scientifiquea. Signifierait-elle par hasard que tous ceux qui sont assis dans cette salle possèdent sur leurs conditions de vie une connaissance supérieure à celle qu'un Indien ou un Hottentot peut avoir des siennes ? Cela est peu probable. Celui d'entre nous qui prend le tramway n'a aucune notion du mécanisme qui permet à la voiture de se mettre en marche – à moins d'être un physicien de métier. Nous n'avons d'ailleurs pas besoin de le savoir. Il nous suffit de pouvoir « compter » sur le tramway et d'orienter en conséquence notre comportement ; mais nous ne savons pas comment on construit une telle machine en état de rouler. […] Mais le sauvage sait parfai tement comment s'y prendre pour se procurer sa nourriture quotidienne et il sait quelles sont les institutions qui l'y aident. L'intellectualisation et la rationalisation croissantesb ne signifient donc nullement une connaissance générale croissante des conditions dans lesquelles nous vivons. Elles signifient bien plutôt que nous savons ou que nous croyons qu'à chaque instant nous pourrions, pourvu seulement que nous le voulions, nous prouver qu'il n'existe en principe aucune puissance mystérieuse et imprévisible qui interfère dans le cours de la vie ; bref que nous pouvons maîtriser toute chose par la prévision. Mais cela revient à désenchanter le monde. Il ne s'agit plus pour nous, comme pour le sauvage qui croit à l'existence de ces puissances, de faire appel à des moyens magiques en vue de maîtriser les esprits ou de les implorer mais de recourir à la technique et à la prévision. Telle est la signification essentielle de l'intellectualisation.

 D'où une nouvelle question : ce processus de désenchantementc réalisé au cours des millénaires de la civilisation occidentale et, plus généralement, ce « progrès » auquel participe la science comme élément et comme moteur, ont-ils une signification qui dépasse cette pure pratique et cette pure technique ? […] Abraham ou les paysans d'autrefois sont morts « vieux et comblés par la vie » parce qu'ils étaient installés dans le cycle organique de la vie, parce que celle‑ci leur avait apporté au déclin de leurs jours tout le sens qu'elle pouvait leur offrir et parce qu'il ne subsistait aucune énigme qu'ils auraient encore voulu résoudre. Ils pouvaient donc se dire « satisfaits » de la vie.

 L'homme civilisé au contraire, placé dans le mouvement d'une civilisation qui s'enrichit continuellement de pensées, de savoirs et de problèmes, peut se sentir « las » de la vie et non pas « comblé » par elle. En effet il ne peut jamais saisir qu'une infime partie de tout ce que la vie de l'esprit produit sans cesse de nouveau, il ne peut saisir que du provisoire et jamais du définitif. C'est pourquoi la mort est à ses yeux un événement qui n'a pas de sens.
Max Weber
Le savant et le politique, 1919, © Plon, un département de Place des éditeurs, 1959.

Aide à la lecture

a. La rationalisation intellectualiste désigne une tendance à vouloir comprendre le monde à travers des lois scientifiques et à l'arraisonner par des comportements techniques.
b. Que signifie la rationalisation ? Nous croyons en notre maîtrise du monde qui ne recourt pas à des puissances magiques intermédiaires, comme le fait le sauvage.
c. Que signifie le désenchantement ? L'homme du progrès se pense comme sans fin, il perd le contact avec la mort, avec le sens existentiel de sa vie.
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Weber - XIXe siècle

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Repères

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Question

Pourquoi l'homme civilisé a‑t‑il perdu la capacité de donner du sens à sa mort ?
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Texte complémentaire

L'erreur de l'attitude religieuse

 Le spectacle de ce que furent les religions, et de ce que certaines sont encore, est bien humiliant pour l'intelligence humaine. Quel tissu d'aberrations ! L'expérience a beau dire « c'est faux » et le raisonnement « c'est absurde », l'humanité ne s'en cramponne que davantage à l'absurdité et à l'erreur. Encore si elle s'en tenait là ! Mais on a vu la religion prescrire l'immoralité, imposer des crimes. Plus elle est grossière, plus elle tient matériellement de place dans la vie d'un peuple. Ce qu'elle devra partager plus tard avec la science, l'art, la philosophie, elle le demande et l'obtient d'abord pour elle seule. Il y a là de quoi surprendre, quand on a commencé par définir l'homme un être intelligent.

 Notre étonnement grandit, quand nous voyons que la superstition la plus basse a été pendant si longtemps un fait universel. Elle subsiste d'ailleurs encore. On trouve dans le passé, on trouverait même aujourd'hui des sociétés humaines qui n'ont ni science, ni art, ni philosophie. Mais il n'y a jamais eu de société sans religion.

 Quelle ne devrait pas être notre confusion, maintenant, si nous nous comparions à l'animal sur ce point ! Très probablement l'animal ignore la superstition. Nous ne savons guère ce qui se passe dans des consciences autres que la nôtre ; mais comme les états religieux se traduisent d'ordinaire par des attitudes et par des actes, nous serions bien avertis par quelque signe si l'animal était capable de religiosité. Force nous est donc d'en prendre notre parti. L'homo sapiens, seul être doué de raison, est le seul aussi qui puisse suspendre son existence à des choses déraisonnables.
Henri Bergson
Les deux sources de la morale et de la religion, 1932.

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Philippe de Champaigne, Vanité, ou allégorie de la vie humaine, 1646, huile sur panneau, 28 × 37 cm (musée de Tessé).

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