Le prophète est un intermédiaire entre Dieu et les hommes, qui a pour charge de transmettre la révélation qu'il a eu immédiatement de Dieu, aux autres hommes. Ces derniers, appelés fidèles, doivent faire confiance, avoir foi en ce prophète sans lequel ils n'auraient aucune révélation. Spinoza prend pour équivalent les termes de prophétie et de révélation et les définit comme « la connaissance certaine, révélée aux hommes par Dieu, d'une chose quelconque ». Pour Spinoza, prophète et philosophie ne sont pas concurrents, mais il faut plutôt comprendre la connaissance rationnelle qui caractérise la philosophie comme une manière pour Dieu de se révéler. En un sens, la philosophie est « prophétique », parce qu'elle aussi est une connaissance certaine révélée par Dieu mais qui se déduit more geometrico de l'essence et de l'existence de Dieu. Les prophètes sont plutôt enclins à user d'imagination, connaissance vague du premier ordre. Or, dans le cas de la philosophie, il n'y a pas besoin d'intermédiaire, car tout homme a en lui la raison et peut par celle‑ci accéder à la connaissance philosophique de Dieu, telle qu'elle est exposée dans l'Éthique.
En un sens restreint seulement, la prophétie peut être distinguée de la philosophie. Elle désigne alors la révélation de Dieu par les prophètes et les textes sacrés. La révélation dite prophétique aura donc son propre mode d'examen. Celle‑ci se transmet soit par des paroles, soit par des figures ou des images, soit par les deux à la fois. Dans l'épistémologie spinoziste, cela correspond au premier genre de connaissance de l'imagination qui opère par ouï-dire et par des signes. Mais comme le précisait Spinoza dans l'Éthique, ce genre de la connaissance est faillible, incertain et propice à l'erreur. Puisque la révélation prophétique en fait partie, elle est du même coup exposée à la faillibilité de l'imagination en général.
Toute la question est dès lors de savoir si une prophétie ou révélation peut être certaine, si même elle peut prétendre à la certitude. Par différence à l'entendement rationnel du philosophe, le prophète a une très vive imagination. C'est pourquoi les livres sacrés qui transmettent les paroles des prophètes sont composés de nombreuses images et paraboles. Celles‑ci ne visent pas à donner une idée vraie de Dieu, dotée d'une certitude mathématique, au sens qu'elle serait entièrement démontrable, mais une certitude seulement morale qui vient donner des règles de vie. Il ne faut pas lire la Bible pour y trouver une connaissance de Dieu, mais un message éthique sur la justice et le bien. La révélation prophétique est certes toujours susceptible de doute, mais on ne peut lui reprocher de ne pas délivrer de connaissance, puisqu'elle n'expose que les contenus moraux ou éthiques de la révélation de Dieu par les prophètes, consignés dans des livres qui n'ont d'ailleurs pas tous été écrits de la même main. Contre la tradition théologienne, l'auteur en vient ainsi à affirmer que l'Écriture est le fruit d'une multitude d'auteurs. Il n'y a ainsi pas à rejeter la certitude morale de la révélation prophétique sous motif qu'elle n'enseigne pas une connaissance philosophique de Dieu. D'une certaine manière, Spinoza met en place la compatibilité de la religion avec la philosophie, à condition de les séparer selon leur objet, leur mission, leur méthode.