Dans ce roman, Amélie Nothomb explore un voyage dans le temps. Nous sommes au début du roman. L'héroïne, vient de se faire opérer, elle se réveille.
À mon réveil, l'hôpital était méconnaissable. Ma chambre avait les dimensions d'une salle de bal. J'étais allongée, seule. Mon lit était suspendu au plafond par des courroies : quand je bougeais, il remuait comme une escarpolette1.
La distance qui me séparait du sol semblait de deux mètres. J'hésitai à sauter. Quand je me retrouvai par terre, une douleur au ventre me rappela l'opération que j'avais subie.
Tant pis. Je n'allais pas demander l'aide des infirmières pour si peu. Je me dirigeai vers la porte. Je l'ouvris et je tombai dans le vide.
– Qui êtes-vous ?
– Vous n'auriez pas pas dû quitter votre chambre.
– Il m'est arrivé quelque chose ?
– On peut dire ça comme ça, oui.
– Il va falloir me réopérer ?
– Rassurez-vous, vous êtes guérie.
– Quand puis-je quitter l'hôpital ?
– L'hôpital ? Vous n'êtes pas à l'hôpital. Vous êtes à la basilique, c'est-à-dire chez moi.
– Vous êtes prêtre ?
– Pas exactement.
Silence. […]
– Où suis-je ?
– Je vous l'ai déjà dit : à la basilique. Vous posez la mauvaise question. Vous auriez dû demander : « Quand suis-je ? »
– J'ai été opérée le 8 mai au matin. J'ai sans doute dormi longtemps, mais je suppose que nous sommes encore le 8 mai.
– Le 8 mai de quelle année ?
– 1995. C'est le cinquantième anniversaire de l'armistice.
– De l'armistice ?
– La Seconde Guerre mondiale.
– Cela me dit quelque chose. Hélas, je suis au regret de vous révéler la vérité. Nous ne sommes pas le 8 mai 1995. Nous sommes le 27 mai 2580.
– J'avais raison d'avoir peur de l'anesthésie.
– Je suis très sérieux. Je comprends que le choc soit violent pour vous, mais vous ne nous avez pas laissé le choix. C'est à cause de Pompéi.
– Pompéi ! Hier, j'ai parlé de Pompéi.
– Oui, sauf que ce n'était pas hier. C'était il y a 585 années et 19 jours.
Balançoire.