Dans ce poème autobiographique, Pierre de Ronsard revient sur sa naissance et explique la
fonction du poète, un être d'exception qui tient ses pouvoirs de Dieu.
Le jour que je fus né, le Démon1 qui préside
Aux Muses me servit, en ce monde de guide,
M'anima d'un esprit subtil et vigoureux
Et me fit de science2 et d'honneur amoureux.
En lieu des grands trésors et des richesses vaines,
Qui aveuglent les yeux des personnes humaines,
Me donna pour partage3 une fureur d'esprit,
Et l'art de bien coucher ma verve4 par écrit.
Il me haussa le cœur5, haussa la fantaisie6,
M'inspirant dedans l'âme un don de poésie,
Que Dieu n'a concédé qu'à l'esprit agité
Des poignants aiguillons7 de sa divinité.
Quand l'homme en est touché, il devient un prophète,
Il prédit toute chose avant qu'elle soit faite,
Il connaît la nature et les secrets des Cieux,
Et d'un esprit bouillant s'élève entre les Dieux.