C'est effectivement douloureux de travailler sur un tel sujet mais c'est aussi
une façon de mettre à distance des douleurs qui seraient plus vives encore si on étudiait des tragédies du XX
e siècle. En tant qu'historien, je me
sens blessé par des tragédies du XX
e siècle : le génocide en ex‑Yougoslavie, celui des Tutsi au Rwanda ou la Shoah. Finalement, peut‑être que ce travail sur la persécution des protestants est une façon de ne pas travailler sur la persécution des Juifs, de mettre un peu de distance par rapport à un sujet qui serait trop proche pour moi qui suis issu d'une famille de tradition juive, ou de travailler sur le même sujet, la persécution des minorités, mais sans travailler directement sur des sujets trop douloureux. Le XVI
e siècle n'est qu'un prétexte pour poser des questions fondamentales pour l'humanité qui me viennent des grandes tragédies du XX
e siècle : comment vit‑on avec son voisin ou comment cesse‑t‑on de vivre avec son voisin ? Comment des hommes ordinaires en viennent à tuer d'autres hommes ordinaires ? Le XVI
e siècle est un objet qui me permet de poser des questions. Si on n'écrit pas l'histoire de la Saint‑Barthélemy en 2021 comme en 1950 ou en 1850, c'est parce que les hommes et les femmes qui l'écrivent en 2020 sont traversés par des épisodes historiques qui ne sont pas ceux de leurs prédécesseurs. Mieux vaut assumer, donner à voir notre subjectivité pour qu'elle soit critiquable : je dis d'où j'écris.