Français 4e - 2022

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Questionnement 1 : Dire l'amour
Ch. 1
Comment dire les nuances de l'amour ?
Ch. 2
Roméo et Juliette : une histoire d’amour mythique ?
Questionnement 2 : Individu et société : confrontations de valeurs ?
Ch. 3
Des valeurs en confrontation ?
Ch. 4
Le Cid entre amour, honneur et devoir ?
Questionnement 3 : La fiction pour interroger le réel
Ch. 6
« Un parricide » : le récit d’un drame social ?
Ch. 7
« Magie » : un récit aux frontières du réel ?
Questionnement 4 : Informer, s’informer, déformer ?
Ch. 8
Comment mieux informer et s’informer ?
Questionnement complémentaire : La ville, lieu de tous les possibles ?
Ch. 9
La ville, un personnage de roman ?
Ch. 10
Comment la science-fiction imagine-t-elle la ville ?
Étude de la langue
Ch. 11
Lexique
Ch. 12
Grammaire
Ch. 13
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Ch. 14
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Fiches méthode
Livret Brevet
Annexes
Chapitre 5
Texte et image 1

Itinéraire d'un ancien forçat

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Un soir d'octobre 1815, l'évêque de Digne, monseigneur Myriel, s'apprête à passer à table. Sa sœur et sa servante, madame Magloire, qui ont entendu parler d'un rôdeur, s'inquiètent de l'absence de verrou à leur porte.

La porte s'ouvrit.
Elle s'ouvrit vivement, toute grande, comme si quelqu'un la poussait avec énergie et résolution.
Un homme entra [...], fit un pas et s'arrêta, laissant la porte ouverte derrière lui. Il avait son sac sur l'épaule, son bâton à la main, une expression rude, hardie, fatiguée et violente dans les yeux. Le feu de la chemin e l'éclairait. Il était hideux. C'était une sinistre apparition.
Madame Magloire n'eut pas même la force de jeter un cri. Elle tressaillit, et resta béante.
Mademoiselle Baptistine se retourna, aperçut l'homme qui entrait et se dressa à demi d'effarement, puis, ramenant peu à peu sa tête vers la cheminée, elle se mit à regarder son frère et son visage redevint profondément calme et serein.
L'évêque fixait sur l'homme un œil tranquille.
Comme il ouvrait la bouche, sans doute pour demander au nouveau venu ce qu'il désirait, l'homme appuya ses deux mains à la fois sur son bâton, promena ses yeux tour à tour sur le vieillard et les femmes et, sans attendre que l'évêque parlât, dit d'une voix haute :
– Voici. Je m'appelle Jean Valjean. Je suis un galérien 1. J'ai passé  dix-neuf ans au bagne 2. Je suis libéré depuis quatre jours et en route pour Pontarlier qui est ma destination. Quatre jours que je marche depuis Toulon. Aujourd'hui j'ai fait douze lieues3 à pied. Ce soir, en arrivant dans ce pays, j'ai été dans une auberge, on m'a renvoyé à cause de mon passeport jaune4 que j'avais montré à la mairie. Il avait fallu. J'ai été à une autre auberge. On m'a dit : Va-t'en ! Chez l'un, chez l'autre. Personne n'a voulu de moi. J'ai  été à la prison, le guichetier n'a pas ouvert. J'ai été  dans la niche d'un chien. Le chien m'a mordu et m'a chassé, comme s'il avait été un homme. On aurait dit qu'il savait qui j'étais. Je m'en suis allé dans les champs pour coucher à la belle étoile. Il n'y avait pas d'étoile. J'ai pensé qu'il pleuvrait, et qu'il n'y avait pas de bon Dieu pour empêcher de pleuvoir, et je suis rentré dans la ville pour y trouver le renfoncement d'une porte. Là, dans la place, j'allais me coucher sur une pierre, une bonne femme m'a montré votre maison et m'a dit : Frappe là. J'ai frappé. Qu'est‑ce que c'est ici ? Êtes‑vous une auberge ? J'ai de l'argent. Ma masse5. Cent neuf francs quinze sous que j'ai gagnés au bagne par mon travail en dix-neuf ans. Je payerai. [...]
– Madame Magloire, dit l'évêque, vous mettrez un couvert de plus. [...] Vous devez avoir froid, monsieur ?
Chaque fois qu'il disait ce mot monsieur avec sa voix doucement grave et de si bonne compagnie, le visage de l'homme s'illuminait. Monsieur à un forçat, c'est un verre d'eau à un naufragé de la Méduse. L'ignominie6 a soif de considération.
Victor Hugo
Les Misérables, tome I, livre 2, chapitre 3, 1862.

1. Bagnard, forçat.
2. Établissement pénitentiaire dans lequel le prisonnier accomplissait une peine de travaux forcés.
3. Ancienne mesure de distance équivalant à quatre kilomètres.
4. Pièce d'identité remise au galérien libéré et indiquant son passé de criminel.
5. Somme prélevée sur le salaire d'un détenu et qui lui est restituée à sa libération.
6. Déshonneur, infamie.

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Victor Hugo

 (1802-1885)
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Éclairage

Le réalisme

C'est un mouvement du XIXe siècle qui cherche à représenter la société de son époque dans son ensemble. Il n'hésite donc pas à donner les rôles principaux des personnages des classes populaires voire défavorisées, ce qui se faisait peu auparavant.
Les Misérables n'est pas à proprement parler un roman réaliste, mais il en reprend certaines caractéristiques, comme l'inscription de l'intrigue dans l'histoire contemporaine (voir ) et la mise en lumière des « misérables » de la société.
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Placeholder pour Daniel Bardet et Bernard Capo, Les Misérables en BD, d'après l'œuvre de Victor HugoDaniel Bardet et Bernard Capo, Les Misérables en BD, d'après l'œuvre de Victor Hugo
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Daniel Bardet et Bernard Capo, Les Misérables en BD, d'après l'œuvre de Victor Hugo © Éditions Glénat, 2020.
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Supplément numérique

Le lendemain, au soleil levant, monseigneur Bienvenu se promenait dans son jardin. Madame Magloire accourut vers lui toute bouleversée.
– Monseigneur, monseigneur, cria-t-elle, votre grandeur sait-elle où est le panier d'argenterie ?
– Oui, dit l'évêque. [...] Le voilà.
– Eh bien ? dit-elle. Rien dedans ! et l'argenterie ?
– Ah ! repartit l'évêque. C'est donc l'argenterie qui vous occupe ? Je ne sais où elle est.
– Grand bon Dieu ! elle est volée ! C'est l'homme d'hier soir qui l'a volée ! [...]
– Madame Magloire, je détenais à tort et depuis longtemps cette argenterie. Elle était aux pauvres. Qu'était-ce que cet homme ? Un pauvre évidemment.
– Hélas Jésus ! repartit madame Magloire. Ce n'est pas pour moi ni pour mademoiselle. Cela nous est bien égal. Mais c'est pour monseigneur. Dans quoi monseigneur va-t-il manger maintenant ?
L'évêque la regarda d'un air étonné.
– Ah çà mais ! est-ce qu'il n'y a pas des couverts d'étain ?
Madame Magloire haussa les épaules.
– L'étain a une odeur.
– Alors, des couverts de fer.
Madame Magloire fit une grimace significative.
– Le fer a un goût.
– Eh bien, dit l'évêque, des couverts de bois.
Quelques instants après, il déjeunait à cette même table où Jean Valjean s'était assis la veille. [...]
– Aussi a-t-on idée ! disait madame Magloire toute seule en allant et venant, recevoir un homme comme cela ! et le loger à côté de soi ! et quel bonheur encore qu'il n'ait fait que voler ! Ah mon Dieu ! cela fait frémir quand on songe !
Comme le frère et la sœur allaient se lever de table, on frappa à la porte.
– Entrez, dit l'évêque.
La porte s'ouvrit. Un groupe étrange et violent apparut sur le seuil. Trois hommes en tenaient un quatrième au collet. Les trois hommes étaient des gendarmes ; l'autre était Jean Valjean.
Un brigadier de gendarmerie, qui semblait conduire le groupe, était près de la porte. Il entra et s'avança vers l'évêque en faisant le salut militaire.
– Monseigneur… dit-il.
À ce mot Jean Valjean, qui était morne et semblait abattu, releva la tête d'un air stupéfait.
– Monseigneur ! murmura-t-il. Ce n'est donc pas le curé ?…
– Silence ! dit un gendarme. C'est monseigneur l'évêque.
Cependant monseigneur Bienvenu s'était approché aussi vivement que son grand âge le lui permettait.
– Ah ! vous voilà ! s'écria-t-il en regardant Jean Valjean. Je suis aise de vous voir. Et bien mais ! je vous avais donné les chandeliers aussi, qui sont en argent comme le reste et dont vous pourrez bien avoir deux cents francs. Pourquoi ne les avez-vous pas emportés avec vos couverts ?
Jean Valjean ouvrit les yeux et regarda le vénérable évêque avec une expression qu'aucune langue humaine ne pourrait rendre.
– Monseigneur, dit le brigadier de gendarmerie, ce que cet homme disait était donc vrai ? Nous l'avons rencontré. Il allait comme quelqu'un qui s'en va. Nous l'avons arrêté pour voir. Il avait cette argenterie…
– Et il vous a dit, interrompit l'évêque en souriant, qu'elle lui avait été donnée par un vieux bonhomme de prêtre chez lequel il avait passé la nuit ? Je vois la chose. Et vous l'avez ramené ici ? C'est une méprise.
– Comme cela, reprit le brigadier, nous pouvons le laisser aller ?
– Sans doute, répondit l'évêque.
Les gendarmes lâchèrent Jean Valjean qui recula.
– Est-ce que c'est vrai qu'on me laisse ? dit-il d'une voix presque inarticulée et comme s'il parlait dans le sommeil.
– Oui, on te laisse, tu n'entends donc pas ? dit un gendarme.
– Mon ami, reprit l'évêque, avant de vous en aller, voici vos chandeliers. Prenez-les.
Il alla à la cheminée, prit les deux flambeaux d'argent et les apporta à Jean Valjean. Les deux femmes le regardaient faire sans un mot, sans un geste, sans un regard qui pût déranger l'évêque.
Jean Valjean tremblait de tous ses membres. Il prit les deux chandeliers machinalement et d'un air égaré. [...] L'évêque s'approcha de lui, et lui dit à voix basse :
– N'oubliez pas, n'oubliez jamais que vous m'avez promis d'employer cet argent à devenir honnête homme.
Jean Valjean, qui n'avait aucun souvenir d'avoir rien promis, resta interdit. L'évêque avait appuyé sur ces paroles en les prononçant. Il reprit avec une sorte de solennité :
– Jean Valjean, mon frère, vous n'appartenez plus au mal, mais au bien. C'est votre âme que je vous achète ; je la retire aux pensées noires et à l'esprit de perdition, et je la donne à Dieu.
Victor Hugo
Les Misérables, tome I, livre 2, chapitre 12, 1862.

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Ressource numérique

Pour mieux comprendre ce qu'est un passeport jaune, regardez un extrait de la comédie musicale Les Misérables.
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À l'oral

Selon vous, la réinsertion est-elle plus facile aujourd'hui qu'au XIXe siècle ?
Vous réfléchirez notamment aux équivalents actuels du passeport jaune (casier judiciaire, réputation, traces numériques, par exemple).

Enregistreur audio
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Questions

Compréhension

1. Résumez en deux phrases les deux moments de la scène.
2. Qu'a vécu Jean Valjean depuis sa libération ?

Analyse et interprétation

3. Image D'après son récit, dans quel état d'esprit Jean Valjean se trouve-t-il ?
4. a) Quelles réactions son arrivée provoque-t-elle ?
4. b) Comment les expliquez-vous ?
5. Comment comprenez-vous la métaphore qui se trouve dans l'avant-dernière phrase de l'extrait ? Si besoin, vous pouvez trouver un indice
6. Image Par quels moyens la solitude de Jean Valjean est-elle mise en relief dans cette planche de BD ?
7.
Prolongement
Écoutez l'extrait lu .
a) Pourquoi l'évêque agit-il ainsi ? Que signifie la phrase « C'est votre âme que je vous achête » ?
7. b) À votre avis, que va devenir Jean Valjean ?
8. D'après ces deux extraits, Jean Valjean est-il un héros ? Justifiez votre réponse.

Langue

9. Quelle est la valeur du présent dans la dernière phrase ? Si besoin, aidez-vous de la .

Écriture

10. Racontez cette scène du point de vue de Mme Magloire, qui la rapporte à sa sœur. Vous insisterez sur les sentiments éprouvés par Mme Magloire.
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