Un peuple d'un pays vaincu a été contraint de se réfugier sur une île pour y créer une nouvelle société. Les hommes s'apprêtent à élire deux représentants chargés de rédiger les lois et de proposer un nouveau modèle de gouvernement. Mais ils ont pris cette décision sans consulter les femmes qui comptent bien faire entendre leur voix.
ARTHÉNICE. – Nous voici chargées du plus grand intérêt que notre
sexe1 ait jamais eu, et cela dans la
conjecture2 du monde la plus favorable pour discuter notre droit vis-à-vis des hommes. [...]
Scène 2
[...]
ARTHÉNICE. – Eh ! dites-moi, Timagène, où allez-vous tous deux d'un air si pensif ?
TIMAGÈNE. – Au Conseil, où l'on nous appelle, et où la noblesse et tous les notables d'une part, et le peuple de l'autre, nous menacent, cet honnête homme et moi, de nous nommer pour travailler aux lois, et j'avoue que mon incapacité me fait déjà trembler.
MADAME SORBIN. – Quoi, mon mari, vous allez faire des lois ?
MONSIEUR SORBIN. – Hélas, c'est ce qui se publie, et ce qui me donne un grand souci.
MADAME SORBIN. – Pourquoi, monsieur Sorbin ? Quoique vous soyez massif et d'un naturel un peu lourd, je vous ai toujours connu un très bon gros jugement qui viendra fort bien dans cette affaire-ci ; et puis je me persuade que ces messieurs auront le bon esprit de demander des femmes pour les assister, comme de raison.
MONSIEUR SORBIN. – Ah ! tais-toi avec tes femmes, il est bien question de rire !
MADAME SORBIN. – Mais vraiment, je ne ris pas.
MONSIEUR SORBIN. – Tu deviens donc folle ?
MADAME SORBIN. – Pardi, Monsieur Sorbin, vous êtes un petit élu du peuple bien impoli ; mais par bonheur, cela se passera avec une
ordonnance3, je dresserai des lois aussi, moi.
MONSIEUR SORBIN, rit. – Toi ! hé hé hé hé.
TIMAGÈNE, riant. – Hé hé hé hé…
ARTHÈNICE. – Qu'y a-t-il donc là de si plaisant ? Elle a raison, elle en fera, j'en ferai moi-même.
TIMAGÈNE. – Vous, Madame ?
MONSIEUR SORBIN, riant. – Des lois !
ARTHÈNICE. – Assurément.
MONSIEUR SORBIN, riant. – Ah bien, tant mieux, faites, amusez-vous, jouez une farce ; mais gardez-nous votre drôlerie pour une autre fois, cela est trop bouffon pour le temps qui court.
1. Les femmes.
2. Situation.
3. Un décret officiel.