LINA. – Pourquoi donc le maltraitez-vous, ma mère ? Est-ce que vous ne voulez plus qu'il m'aime, ou qu'il m'épouse ?
MADAME SORBIN. – Non, ma fille, nous sommes dans une
occurrence où l'amour n'est plus qu'un sot.
LINA. – Hélas ! quel dommage !
ARTHÈNICE. – Et le mariage, tel qu'il a été jusqu'ici, n'est plus aussi qu'une pure servitude que nous abolissons, ma belle enfant, car il faut bien la mettre un peu au fait pour la consoler.
LINA. – Abolir le mariage ! Eh ! que mettra-t-on à la place ?
MADAME SORBIN. – Rien.
LINA. – Cela est bien court.
ARTHÈNICE. – Vous savez, Lina, que les femmes jusqu'ici ont toujours été soumises à leurs maris.
LINA. – Oui, Madame, c'est une coutume qui n'empêche pas l'amour.
MADAME SORBIN. – Je te défends l'amour.
LINA. – Quand il y est, comment l'ôter ? Je ne l'ai pas pris ; c'est lui qui m'a prise, et puis je ne refuse pas la soumission.
MADAME SORBIN. – Comment soumise, petite âme de servante,
jour de Dieu, soumise, cela peut-il sortir de la bouche d'une femme ? Que je ne vous entende plus proférer cette horreur-là, apprenez que nous nous révoltons.
ARTHÈNICE. – Ne vous emportez point, elle n'a pas été de nos délibérations, à cause de son âge, mais je vous réponds d'elle, dès qu'elle sera instruite. Je vous assure qu'elle sera charmée d'avoir autant d'autorité que son mari dans son petit ménage, et quand il dira : « je veux », de pouvoir répliquer : « moi, je ne veux pas. »
LINA, pleurant. – Je n'en aurai pas la peine ; Persinet et moi, nous voudrons toujours la même chose ; nous en sommes convenus entre nous.
MADAME SORBIN. – Prends-y garde avec ton Persinet ; si tu n'as pas des sentiments plus relevés, je te retranche du noble corps des femmes, reste avec ma camarade et moi pour apprendre à considérer ton importance ; et surtout qu'on supprime ces larmes qui font confusion à ta mère, et qui rabaissent notre mérite.
ARTHÈNICE. – Je vois quelques-unes de nos amies qui viennent, et qui paraissent avoir à nous parler, sachons ce qu'elles nous veulent.