ARTHÈNICE. – Je recommence : regardez-la, c'est le plaisir des yeux ; les grâces et la beauté, déguisées sous toutes sortes de formes, se disputent à qui versera le plus de charmes sur son visage et sur sa figure. Eh ! Qui est-ce qui peut définir le nombre et la variété de ces charmes ? Le sentiment les saisit, nos expressions n'y sauraient atteindre. (
Toutes les femmes se redressent ici. Arthénice continue.) La femme a l'air noble, et cependant son air de douceur enchante. (
Les femmes ici prennent un air doux.)
UNE FEMME. – Nous voilà.
MADAME SORBIN. – Chut !
ARTHÈNICE. – C'est une beauté fière, et pourtant une beauté
mignarde ; elle imprime un respect qu'on n'ose perdre, si elle ne s'en mêle ; elle inspire un amour qui ne saurait se taire ; dire qu'elle est belle, qu'elle est aimable, ce n'est que commencer son portrait ; dire que sa beauté surprend, qu'elle occupe, qu'elle attendrit, qu'elle ravit, c'est dire, à peu près, ce qu'on en voit, ce n'est pas effleurer ce qu'on en pense.
MADAME SORBIN. – Et ce qui est encore incomparable, c'est de vivre avec toutes ces belles choses-là, comme si de rien n'était ; voilà le surprenant, mais ce que j'en dis n'est pas pour interrompre, paix !
ARTHÈNICE. – Venons à l'esprit, et voyez combien le nôtre a paru redoutable à nos tyrans ; jugez-en par les précautions qu'ils ont prises pour l'étouffer, pour nous empêcher d'en faire usage ; c'est à filer, c'est à la
quenouille, c'est à
l'économie de leur maison, c'est au misérable tracas d'un ménage, enfin c'est à faire des nœuds, que ces messieurs nous condamnent.
UNE FEMME. – Véritablement, cela crie vengeance.
ARTHÈNICE. – Ou bien, c'est à savoir prononcer sur des
ajustements, c'est à les réjouir dans leurs soupers, c'est à leur inspirer d'agréables passions, c'est à régner dans la
bagatelle, c'est à n'être nous-mêmes que la première de toutes les bagatelles ; voilà toutes les fonctions qu'ils nous laissent ici-bas ; à nous qui les avons
polis, qui leur avons donné des mœurs, qui avons corrigé la férocité de leur âme ; à nous, sans qui la terre ne serait qu'un séjour de sauvages, qui ne mériteraient pas le nom d'hommes.
UNE DES FEMMES. – Ah ! les ingrats ; allons, Mesdames, supprimons les soupers dès ce jour.
UNE AUTRE. – Et pour des passions, qu'ils en cherchent.