PIERRE (
à Alex). – Voilà pourquoi il se désespérait que tu n'écrives pas…
ALEX. – Eh bien tu vois, j'attendais cette conclusion depuis le
début, et j'espérais néanmoins qu'elle n'arrive pas.
PIERRE. – Raté !
ALEX. – Raté, oui.
PIERRE. – Excuse-moi ! Tout cela n'a aucune importance.
[…]
ALEX. – Je n'ai rien à dire. Je n'ai jamais rien eu à dire. Comment écrire lorsqu'on n'a strictement rien à dire ?
PIERRE. – Je ne crois pas que tu n'aies rien à dire…
ALEX. – Ah bon ?… Tu crois que j'ai quelque chose à dire ?
Mais quoi ? Dis-moi quoi, on gagnera du temps.
PIERRE. – Je suis fatigué mon vieux, tu sais. J'ai plus la force de jouer au con.
ALEX. – Tu me dis que j'ai quelque chose à dire. Je te demande quoi ? Si tu sais mieux que moi ?
ÉDITH. – Si tu n'as rien à dire, ferme-la ! Je ne vois pas pourquoi tu nous emmerdes !
ALEX. – Et vlan !... Je ne te connaissais pas, ma douce Édith, ce langage…
ÉDITH. – Eh bien maintenant tu le connais.
ALEX. – Je le connais, oui… Tu as pris une décision Élisa ?
C'est pas la peine de regarder Nathan. Il a envie que tu restes, certainement…
ÉDITH. – Si elle reste, il faudrait allumer le poêle dans la chambre du bas, c'est un nid d'humidité.
NATHAN. – Inutile. Franchement.
Un temps.
NATHAN. – Si Élisa reste, elle n'ira pas dans cette chambre.
ÉDITH. – Et elle ira où, alors ?!
NATHAN. – Elle ira dans la mienne.
ÉDITH. – Et toi ?
Nathan. – Dans la mienne aussi, où veux-tu que j'aille ? En d'autres termes, nous passerons la nuit ensemble… Si Élisa reste !
Silence.
ÉDITH. – J'ai l'impression de rêver… (
À Élisa.) Qu'est-ce que tu fais ?! Dis quelque chose !
Silence.
ÉDITH. – Mais dis quelque chose ! Tout le monde décide pour toi, et toi tu es là comme un marbre ! Parle !
NATHAN. – Je ne vois pas pourquoi tu te mets dans cet état…
ÉDITH. – Je ne comprends plus rien ! J'ai l'impression de vivre dans un monde de fous !... Le jour de l'enterrement de papa ! (
Elle pleure.) […]
NATHAN. – Le jour de l'enterrement de papa…
ÉDITH. – Il faut que tu couches avec cette putain ?!...
Mais dis quelque chose Élisa ! je t'en supplie, dis quelque chose !... Papa… Papa, viens !… J'ai envie de mourir…
JULIENNE (
elle l'entoure de son bras). – Calmez-vous Édith, calmez-vous…
ÉLISA. – Alex, accompagne-moi à la gare, s'il te plaît. […]
NATHAN. – Moi je t'accompagne.
ÉLISA. – Allons-y… (
Elle se lève.)
ALEX. –
Attends ! (
Silence.) Une minute ? J'ai un mot à te dire. Juste un mot… Enfin, un peu plus qu'un mot peut-être… (
Un temps.) En ce jour de deuil… il manquait un événement… un acte, une parole… Dans cette pièce, il y a quelqu'un que je croyais définitivement absent… et qui vient de prouver le contraire… C'est tout. (
À Élisa.) Maintenant,
fais ce que tu veux.
ÉLISA. – Tu es sûr que c'est tout ?
ALEX. – Elle pleure…Tu pars… (
Il se tourne vers Nathan et le fixe.) Moi par contre, j'éprouve une immense
gratitude… C'est vraiment tout.