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Philosophie Terminale

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SECTION 1 • Le roseau pensant
Ch. 1
La conscience
Ch. 2
L’inconscient
Ch. 4
La raison
Ch. 5
La vérité
SECTION 2 • Le fils de Prométhée
Ch. 6
La science
Ch. 7
La technique
Ch. 8
L’art
Ch. 9
Le travail
SECTION 3 • L’animal politique
Ch. 10
La nature
Ch. 11
Le langage
Ch. 12
L’État
Ch. 13
Le devoir
SECTION 4 • L’ami de la sagesse
Ch. 14
La justice
Ch. 15
La religion
Ch. 16
La liberté
Ch. 17
Le bonheur
Fiches méthode
Biographies
Annexes
Chapitre 3
Réflexion 2

Le temps n'existe-t-il que pour une conscience ?

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Texte 5
Mémoire pure et mémoire habitude

Texte fondateur

Bergson mène une recherche en profondeur sur le temps, en s'efforçant de comprendre ce qui distingue et unit le temps de la conscience et le temps du monde (objectif, matériel), notamment dans Matière et mémoire qu'il écrit en 1896. Le concept de durée y devient central. Il nous explique dans ce texte, à l'aide d'une image, le fonctionnement de la temporalité qui est à l'oeuvre dans la conscience.

La conscience éclaire donc de sa lueur, à tout moment, cette partie immédiate du passé qui, penchée sur l'avenir, travaille à le réaliser et à se l'adjoindrea. Uniquement préoccupée de déterminer ainsi un avenir indéterminé, elle pourra répandre un peu de sa lumière sur ceux de nos états plus reculés dans le passé qui s'organiseraient utilement avec notre état présent, c'est‑à‑dire avec notre passé immédiat ; le reste demeure obscur. C'est dans cette partie éclairée de notre histoire que nous restons placés, en vertu de la loi fondamentale de la vie, qui est une loi d'action : de là la difficulté que nous éprouvons à concevoir des souvenirs qui se conserveraient dans l'ombre. Notre répugnance à admettre la survivance intégrale du passé tient donc à l'orientation même de notre vie psychologique, véritable déroulement d'états où nous avons intérêt à regarder ce qui se dérouleb, et non pas ce qui est entièrement déroulé. […]

Mais si nous ne percevons jamais autre chose que notre passé immédiat, si notre conscience du présent est déjà mémoirec, les deux termes que nous avions séparés d'abord vont se souder intimement ensemble. Envisagé de ce nouveau point de vue, en effet, notre corps n'est point autre chose que la partie invariablement renaissante de notre représentation, la partie toujours présente, ou plutôt celle qui vient à tout moment de passer. Image lui‑même, ce corps ne peut emmagasiner les images, puisqu'il fait partie des images ; et c'est pourquoi l'entreprise est chimérique de vouloir localiser les perceptions passées, ou même présentes, dans le cerveau : elles ne sont pas en lui ; c'est lui qui est en elles.d Mais cette image toute particulière, qui persiste au milieu des autres et que j'appelle mon corps, constitue à chaque instant, comme nous le disions, une coupe transversale de l'universel devenir. C'est donc le lieu de passage des mouvements reçus et renvoyés, le trait d'union entre les choses qui agissent sur moi et les choses sur lesquelles j'agis, le siège, en un mot, des phénomènes sensori-moteurs1 . Si je représente par un cône SAB la totalité des souvenirs accumulés dans ma mémoire, la base AB, assise dans le passé, demeure immobile, tandis que le sommet S, qui figure à tout moment mon présent, avance sans cesse, et sans cesse aussi touche le plan mobile P de ma représentation actuelle de l'univers. En S se concentre l'image du corps ; et, faisant partie du plan P, cette image se borne à recevoir et à rendre les actions émanées de toutes les images dont le plan se composee.

 La mémoire du corps, constituée par l'ensemble des systèmes sensori-moteurs que l'habitude a organisés, est donc une mémoire quasi instantanée à laquelle la véritable mémoire du passé sert de base. Comme elles ne constituent pas deux choses séparées, comme la première n'est, disions-nous, que la pointe mobile insérée par la seconde dans le plan mouvant de l'expérience, il est naturel que ces deux fonctions se prêtent un mutuel appui. D'un côté, en effet, la mémoire du passé présente aux mécanismes sensori-moteurs tous les souvenirs capables de les guider dans leur tâche et de diriger la réaction motrice dans le sens suggéré par les leçons de l'expériencef : en cela consistent précisément les associations par contiguïté et par similitude. Mais d'autre part les appareils sensori‑moteurs fournissent aux souvenirs impuissants, c'est‑à‑dire inconscients, le moyen de prendre un corps, de se matérialiser, enfin de devenir présents. Il faut en effet, pour qu'un souvenir reparaisse à la conscience, qu'il descende des hauteurs de la mémoire pure jusqu'au point précis où s'accomplit l'action. En d'autres termes, c'est du présent que part l'appel auquel le souvenir répond, et c'est aux éléments sensori‑moteurs de l'action présente que le souvenir emprunte la chaleur qui donne la vie.

 N'est-ce pas à la solidité de cet accord, à la précision avec laquelle ces deux mémoires complémentaires s'insèrent l'une dans l'autre, que nous reconnaissons les esprits « bien équilibrés », c'est‑à‑dire, au fond, les hommes parfaitement adaptés à la vie ? Ce qui caractérise l'homme d'action, c'est la promptitude avec laquelle il appelle au secours d'une situation donnée tous les souvenirs qui s'y rapportent ; mais c'est aussi la barrière insurmontable que rencontrent chez lui, en se présentant au seuil de la conscience, les souvenirs inutiles ou indifférents.
Henri Bergson
Matière et mémoire, 1896.

Aide à la lecture

a. La conscience trace un lien entre le passé et l'avenir, elle peut « éclairer » des éléments passés s'ils sont utiles dans le présent.
b. Nous avons du mal à admettre que notre passé est intégralement disponible, car nos vies sollicitent notre attention au présent.
c. Bergson défend ici une thèse centrale : la « survivance intégrale du passé » dans la conscience.
d. Bergson refuse le réductionnisme, c'est-à-dire de réduire l'esprit à de la matière. L'esprit n'est donc pas le cerveau, il n'est pas non plus dans le cerveau.
e.
Placeholder pour cône représentant les souvenirs et le tempscône représentant les souvenirs et le temps
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f. Mon expérience passée me guide dans ma perception actuelle : quand on sait que le feu brûle, on ne s'approche pas d'une flamme sans attention.

Note de bas de page

1. Le « sensori‑moteur » désigne tout ce qui relève des sens.
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Bergson - XXe siècle

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Repères

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Question

D'après Bergson, une conscience sans passé peut-elle percevoir ?
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Doc. 

Placeholder pour Homme âgé se regardant plus jeune dans le miroirHomme âgé se regardant plus jeune dans le miroir
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Homme âgé se regardant plus jeune dans le miroir.
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Activité

1. Reproduisez le cône inversé proposé par Bergson pour décrire la relation de notre conscience au monde. À partir de la description qu'il propose, situez-y correctement les éléments suivants : le passé et le présent, l'esprit et le corps, le monde et « mon » monde.

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2. Pouvez-vous identifier, grâce au texte 5, les lieux où se jouent la « mémoire‑habitude » et la « mémoire‑pure » ?
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Texte 6
Le temps est la forme de ce qui apparaît en notre âme

Le temps est l'intuition de la succession de nos états de conscience. Il est la forme par laquelle nous comprenons qu'une représentation vient après une autre.

Le temps n'est rien d'autre que la forme du sens interne, c'est-à-dire de l'intuition que nous avons de nous-mêmes et de notre état intérieur. Car le temps ne peut être une détermination de phénomènes extérieurs : il n'appartient ni à une figure, ni à une position, etc. ; au contraire, il détermine la relation des représentations dans notre état interne. Et c'est précisément parce que cette intuition interne ne fournit aucune figure que nous cherchons à parer à ce manque par des analogiesa et que nous représentons la suite du temps par une ligne prolongée à l'infini […]. Par quoi s'éclaire aussi que la représentation du temps lui‑même est une intuition, dans la mesure où toutes ses relations se peuvent exprimer à l'aide d'une intuition externe.
Emmanuel Kant
Critique de la raison pure, 1781, trad. A. Renaut, © avec l'aimable autorisation de Flammarion, 2006.

Aide à la lecture

a. Le temps étant purement mental, toutes les images spatiales du temps sont des approximations.
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Kant - XVIIIe siècle

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Repères

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Question

Pourquoi le temps n'appartient-il à aucune figure ni à aucune position ?
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Texte 7
Toute pensée se passe dans le présent

Texte fondateur

Dans cet extrait, Augustin met en évidence l'irréductibilité du présent par rapport à ses trois dimensions : il est le moment où toutes les choses s'envisagent, qu'elles soient passées, présentes ou à venir.

Si le futur et le passé existent, je veux savoir où ils sont. Si je n'en suis pas encore capable, je sais du moins que, où qu'ils soient, ils n'y sont ni en tant que futur ni en tant que passé, mais en tant que présent. Car si le futur y est en tant que futur, il n'y est pas encore ; si le passé y est en tant que passé, il n'y est plus. Où donc qu'ils soient, quels qu'ils soient, ils ne sont qu'en tant que présent. Lorsque nous faisons du passé des récits véritables, ce qui vient de notre mémoire, ce ne sont pas les choses elles‑mêmes, qui ont cessé d'être, mais des termes conçus à partir des images des choses, lesquelles en traversant nos sens ont gravé dans notre esprit des sortes d'empreintes. Mon enfance, par exemple, qui n'est plus est dans un passé disparu lui aussi ; mais lorsque je l'évoque et la raconte, c'est dans le présent que je vois son image, car cette image est encore dans ma mémoire.
Augustin
Confessions, 397-401, trad. J. Trabucco, © avec l'aimable autorisation de Flammarion, 1964.
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Augustin - Antiquité

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Repères

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Question

La conscience ne vit-elle qu'au temps présent ?
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Texte 8
Le temps dépend des choses créées

Hors des réalités créées, le temps ne serait, en Dieu, qu'un possible. Contre les newtoniens, Leibniz ne veut pas penser le temps comme absolu, c'est‑à‑dire indépendant du mouvement des choses créées. Au contraire, le temps n'existe que si les choses elles-mêmes existent.

Je soutiens que, sans les créatures, l'immensité et l'éternité de Dieu ne laisseraient pas de subsister, mais sans aucune dépendance ni des temps ni des lieuxa. S'il n'y avait point de créatures, il n'y aurait ni temps ni lieux, et, par conséquent, point d'espace actuelb. L'immensité de Dieu est indépendante de l'espace, comme l'éternité de Dieu est indépendante du temps. Elles portent seulement, à l'égard de ces deux ordres de choses, que Dieu serait présent et coexistant à toutes les choses qui existeraient. Ainsi, je n'admets point ce qu'on avance ici, que si Dieu seul existait, il y aurait temps et espace comme à présentc ; au lieu qu'alors, à mon avis, ils ne seraient que dans les idées, comme de simples possibilités.
Gottfried Wilhelm Leibniz
Œuvres philosophiques de Leibniz, 1715, trad. P. Janet, F. Alcan.

Aide à la lecture

a. L'éternité de Dieu est d'une nature incomparable avec le temps.
b. Le temps et l'espace n'existent que depuis la création du monde.
c. Si Dieu n'avait pas créé le monde, le temps ne serait qu'une idée en lui.
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Placeholder pour Gottfried Wilhelm LeibnizGottfried Wilhelm Leibniz
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Leibniz - XVIIe siècle

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Question

Pourquoi Leibniz dit-il que « l'éternité de Dieu est indépendante du temps » ?
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Focus

Le temps physique


Comme l'exprime Augustin, le temps est un paradoxe : le passé n'est plus, le futur n'est pas encore et le présent ne cesse de mourir. Est‑ce le temps qui n'a pas d'être ? Est‑ce nous qui sommes tout simplement incapables d'en faire un objet de connaissance ? La démarche philosophique n'est pas la seule à chercher à définir le temps. La science a besoin aussi du temps, ne serait‑ce que pour mesurer le mouvement.
  • Les physiciens savent bien que le temps n'est pas un objet ordinaire que l'on peut mettre à distance pour lui faire subir une expérimentation. D'abord parce que le physicien lui‑même est dans le temps, ensuite parce que nous n'avons pas de sensorialité pour saisir le temps : il ne s'entend pas, il ne se touche pas. Cependant, la physique a besoin de comprendre les mouvements, c'est‑à‑dire les déplacements dans le temps et l'espace. Elle doit donc entreprendre de définir le temps, mais comme elle ne peut pas le faire directement, elle le fait à l'aide d'horloges.

  • Une horloge n'est pas une pièce de mobilier, c'est plutôt ce qu'en disait Einstein : « Par l'emploi de l'horloge, le concept de temps devient objectif. Un phénomène physique quelconque peut servir d'horloge, pourvu qu'il se répète exactement autant de fois qu'on le désire. En prenant pour unité de temps l'intervalle entre le commencement et la fin d'un tel événement, des intervalles de temps arbitraires peuvent être mesurés par la répétition de ce processus physique. » Ainsi le temps physique est un intervalle entre l'instant α où commence un phénomène physique et l'instant ω où il se termine.

  • Depuis la physique quantique, la notion de temps physique change de sens. Si Einstein avait déjà remis en cause notre compréhension de la nature du temps, en expliquant que l'écoulement du temps était relatif à la vitesse et à la proximité de corps massifs, la physique quantique va plus loin. Par exemple, elle postule que le temps disparaîtrait dans certaines situations : pour un système isolé ou dans le cas de la gravitation quantique.
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Activité

1. Cherchez quels phénomènes physiques permettent de mesurer le temps.

2. Sont-ils dissociés des choses créées (la matière) et de la notion d'espace ?
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