Pour Alain, c'est la réussite qui importe à l'homme et
non les moyens qu'il a mis en oeuvre pour y parvenir. Il
distingue ainsi deux manières d'approcher l'objet technique :
- en technicien : c'est celui qui va analyser l'objet et
mettre en oeuvre un raisonnement pour le comprendre ;
- en bricoleur : c'est celui qui va tenter de réparer en touchant
à tout sans vraiment comprendre ce qu'il est en
train de faire.
L'homme a tendance à appréhender la technique non pas
comme un objet sérieux, mais comme un objet ludique. Il
éprouve un « plaisir à gagner par chance », c'est‑à‑dire à
parvenir au résultat escompté sans fournir d'effort. Il est
ainsi gratifiant de ne pas avoir perdu de temps et d'énergie
à essayer de comprendre d'où vient une panne.
Alain explique que celui qui parvient ainsi au résultat
sans comprendre lui‑même comment il a fait se sent
privilégié, comme s'il avait été choisi par les dieux qui
lui ont accordé ce miracle. Il exerce alors sur les autres
une fascination, là où le technicien capable d'expliquer
l'ensemble du processus est lui méprisé.
Sans rejeter le progrès technique, le philosophe déplore
cette attitude : renoncer à penser, c'est renoncer à ce qui
fait de nous des hommes. En effet, Aristote disait déjà à
la première ligne de la
Métaphysique : « tous les hommes
ont un désir naturel de savoir ». Or, avec la technique,
Alain montre que les hommes ont renoncé à ce désir ; ils
veulent simplement jouer et gagner sans penser, puisqu'il
sera impossible de connaître l'intégralité du monde qui
nous entoure. En faisant cela, les hommes perdent leur
humanité, ils (re)deviennent sauvages.