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Histoire Terminale

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Thème 1 : Fragilités des démocraties, totalitarismes, Seconde Guerre mondiale (1929-1945)
Ch. 1
L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux
Ch. 2
Les régimes totalitaires
Thème 2 : La multiplication des acteurs internationaux dans un monde bipolaire (de 1945 au début des années 1970)
Ch. 4
La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial
Ch. 5
Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde
Ch. 6
La France : une nouvelle place dans le monde
Thème 3 : Les remises en cause économiques, politiques et sociales des années 1970 à 1991
Ch. 7
La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
Ch. 8
La France de 1974 à 1988, un tournant social, politique et culturel
Thème 4 : Le monde, l’Europe et la France depuis les années 1990, entre coopérations et conflits
Ch. 9
Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux
Ch. 10
La construction européenne entre élargissement, approfondissement et remises en question
Ch. 11
La République française
EMC
Axe 1
Fondements et expériences de la démocratie
Axe 2
Repenser et faire vivre la démocratie
Annexes
Chapitre 3
L'atelier de Clio

Comprendre la violence des nazis

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L'enjeu
Dès les années 1960, l'histoire de la Seconde Guerre mondiale est traversée par des débats historiographiques portant notamment sur les raisons de la violence des nazis responsables du génocide. L'étude de ces violences est permise par le recours aux témoignages et aux archives judiciaires. Elle est approfondie grâce aux archives soviétiques, ouvertes depuis la chute de l'URSS, et à l'archéologie contemporaine qui étudie les sites de massacres et les champs de bataille.
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Exécutions de Juifs de Kiev par les unités d'extermination mobiles allemandes (Einsatzgruppen) près d'Ivangorod (Ukraine), 1942, photographie anonyme.
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Le document
Face au document

Comment les membres du 101e bataillon de réserve de la police allemande justifient-ils leur participation au génocide ?

Martin D. : « Moi-même et mon groupe étions de garde juste en face de la fosse commune. C'était une série de grosses tranchées disposées en zigzag, larges d'environ trois mètres et profondes de trois à quatre mètres. De mon poste je pouvais voir comment les Juifs [...] étaient forcés à se déshabiller dans les dernières baraques et remettre tout ce qu'ils avaient sur eux, puis étaient menés à travers notre haie vers les tranchées. Les hommes de la police poussaient les Juifs vers les lieux d'exécution, où d'autres policiers, armés de mitraillettes, leur tiraient dessus du bord de la tranchée. Comme j'étais chef d'escouade, je pouvais me déplacer plus librement que les autres. Une fois je suis allé sur le site de l'exécution [...]. C'était là le spectacle le plus horrible auquel j'aie assisté de ma vie ; des Juifs seulement blessés étaient plus ou moins enterrés vivants sous le poids des cadavres des derniers fusillés, sans que ces blessés aient reçu ce qu'on appelle le coup de grâce. Je me souviens que de la pile de cadavres montait la voix des blessés qui maudissaient les SS. »

Franz. K. : « La mise à mort de ces hommes me répugnait tellement que j'ai raté le quatrième. Je n'arrivais simplement plus à viser correctement. Brusquement, j'ai eu la nausée et je me suis sauvé du site d'exécution. Je me suis mal exprimé. Ce n'est pas que je ne pouvais plus viser correctement, la quatrième fois j'ai plutôt fait exprès pour rater. Puis j'ai couru dans la forêt, j'ai vomi et je me suis assis contre un arbre. Pour être sûr qu'il n'y avait personne aux alentours, j'ai crié fort dans les bois, car je voulais être seul. »

Friedrich M. : « Je me suis efforcé, et j'ai pu le faire, de tirer seulement sur les enfants. Il se trouve que les mères tenaient leurs enfants par la main. Alors mon voisin abattait la mère et moi l'enfant qui lui appartenait, car je me disais qu'après tout l'enfant ne pouvait pas vivre sans sa mère. C'était, pour ainsi dire, une manière d'apaiser ma conscience que de délivrer ces enfants incapables de vivre sans leur mère. »
Trois extraits de témoignages prononcés lors d'un procès d'anciens nazis à Hambourg, 1957‑1962.
Cités dans Christopher Browning, Des hommes ordinaires, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 94-95, p. 101 et p. 188.
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L'œil de l'historien

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« Les hommes du 101e bataillon de réserve de la police, comme l'ensemble de la société allemande, baignaient dans un flot épais de propagande raciste et antisémite. De plus l'Ordnungspolizei (police allemande du IIIe Reich) assurait l'endoctrinement de ses membres, lors des classes comme en formation continue, au sein de chaque unité. Un tel effort d'endoctrinement massif a dû produire un effet considérable sur les esprits. Des notions générales, comme la supériorité raciale des Germains et une « certaine aversion » à l'égard des Juifs, s'en sont trouvées renforcées [...]. Outre l'endoctrinement idéologique, il faut prendre en compte un autre facteur, capital, que l'expérience de Milgram1 n'a fait qu'effleurer : le conformisme de groupe. L'ordre de tuer des Juifs intéressait le bataillon en général, non chacun de ses membres en particulier. Pourtant, 80 ou 90 % des policiers ont tué, bien que tous aient été, au moins au début, horrifiés et écœurés par ce qu'ils faisaient. Rompre les rangs, faire un pas en avant, adopter un comportement non conformiste était tout simplement au-dessus de leurs forces. Ils trouvaient plus facile de tirer [...]. Le racisme omniprésent, l'exclusion des victimes de tout ce qu'elles pouvaient avoir en commun avec les bourreaux rendaient plus facile pour la majorité des policiers le fait de se conformer aux normes de leur communauté immédiate (le bataillon) et de leur société en général (l'Allemagne nazie). Ici, des années de propagande antisémite (et, avant la dictature nazie, des décennies de nationalisme allemand agressif) ont rejoint les effets polarisants de la guerre. La dichotomie Allemands racialement supérieurs / Juifs racialement inférieurs, centrale dans l'idéologie nazie, pouvait aisément se fondre avec l'image d'une Allemagne assiégée par des ennemis puissants.

Le comportement d'un être humain est, bien entendu, un phénomène extraordinairement complexe, et l'historien qui essaie de l'« expliquer » cède à une certaine arrogance. Lorsqu'on a affaire à près de 500 individus, tenter une explication générale de leur comportement collectif est encore plus hasardeux. Que conclure alors ? D'abord qu'on émerge de l'histoire du 101e bataillon de réserve avec un grand malaise. Cette histoire d'hommes ordinaires n'est pas l'histoire de tous les hommes. Les réservistes ont affronté des choix, et la plupart d'entre eux ont commis d'horribles méfaits. Mais ceux qui ont tué ne sauraient être absous sous prétexte que n'importe qui à leur place aurait fait ce qu'ils ont fait. Car même parmi eux quelques-uns ont refusé de tuer, et d'autres ont cessé de tuer. La responsabilité humaine est en définitive du domaine de l'individu. »
Christopher Browning,
Des hommes ordinaires, Paris, Les Belles Lettres, 1994, p. 241‑242 et p. 247‑248.

1. Stanley Milgram, psychologue, conduit en 1961, au moment du procès d'Adolf Eichmann, une expérience sur les conditions de l'obéissance et de la désobéissance à l'autorité.
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Éclairage

1. L'historien alterne entre plusieurs échelles d'analyse, du général à l'individuel.

Christopher Browning entreprend d'étudier le parcours d'un bataillon de soldats allemands envoyés sur le front de l'Est pour y procéder à des massacres de Juifs.

2. L'historien cherche à déchiffrer le « paysage mental » des hommes de l'époque pour essayer de comprendre leurs choix.

Christopher Browning souligne ainsi le poids du conditionnement idéologique opéré par les autorités nazies.

3. L'historien peut s'appuyer sur d'autres sciences sociales pour enrichir son analyse.

Christopher Browning s'aide ici de l'expérience de Milgram pour comprendre pourquoi si peu de soldats allemands ont osé désobéir, alors même qu'ils détestaient tuer des Juifs.
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Questions
1. Que nous apprennent ces témoignages sur les exécutions effectuées par des membres du 101e bataillon de réserve de police ?

2. Quels sont les facteurs explicatifs (individuels et collectifs) présentés par Christopher Browning pour comprendre les mécanismes conduisant à l'exercice d'une violence extrême ?

3. Quelles questions doit se poser l'historien face à ces témoignages de bourreaux recueillis plusieurs années après lors de procès ? Pour répondre, vous pouvez lire , historien et spécialiste de la violence de guerre.
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