Un nombre assez considérable de citoyens vint alors se présenter devant la Bastille pour demander des armes et des munitions de guerre. [...] Mais bientôt une immense multitude armée de fusils, de sabres, d'épées, de haches, se précipite dans les cours extérieures en criant : « La Bastille, la Bastille ; en bas la troupe », s'adressant aux soldats placés sur les tours. [...] La foule des assaillants augmente de moment en moment ; elle se grossit de citoyens de tout âge, de tout sexe, de toutes conditions, d'officiers, de soldats, de pompiers, de femmes, d'abbés, d'artisans, de journaliers, la plupart sans armes, et rassemblés confusément ; tous mus par une impulsion commune, s'élancent des différents quartiers de Paris et se précipitent par cent chemins divers, à la Bastille. Le faubourg Saint-Antoine, placé sous l'artillerie du fort, plus animé encore en raison de sa proximité, y afflue tout entier. On y voit aussi accourir des gens de la campagne, des étrangers et des guerriers récemment arrivés de différents pays.[...] Le plus grand nombre parcourait en tumulte les prisons, descendait dans les cachots, en ébranlait avec fracas les doubles, les triples portes ferrées, aussi épaisses que les portes extérieures des citadelles, et forçait à coups redoublés ces froides catacombes enveloppées des ténèbres et du silence de la mort ; car dans l'ivresse de la victoire, on avait oublié les malheureux enfermés dans la forteresse, et l'on portait en triomphe les clés des verrous sous lesquels ils gémissaient.