En 1536, le poète lyonnais Maurice Scève participe au concours de blasons du corps féminin organisé par Clément Marot ; il le remporte avec ce poème.
Sourcil
tractif1 en voûte fléchissant
Trop plus qu'ébène, ou
jayet2 noircissant.
Haut forjeté3 pour ombrager les yeux,
Quand ils font signe ou de mort, ou de mieux.
Sourcil qui rend peureux les plus hardis,
Et courageux les plus
accouardis4.
Sourcil qui fait l'air clair,
obscur soudain,
Quand il froncit par
ire5, ou par dédain,
Et puis le rend serein, clair et joyeux,
Quand il est doux, plaisant et gracieux.
Sourcil qui chasse et provoque les
nues6
Selon que sont ses
archées7 tenues.
Sourcil assis au lieu haut pour enseigne,
Par qui le coeur son vouloir nous enseigne,
Nous découvrant sa profonde pensée,
Ou soit de paix, ou de guerre offensée.
Sourcil, non pas sourcil, mais un sous-ciel
Qui est
le dixième et superficiel8,
Où l'on peut voir deux étoiles ardentes,
Lesquelles sont de son arc dépendantes,
Étincelant plus souvent et plus clair
Qu'en été chaud un bien soudain éclair.
Sourcil qui fait mon espoir prospérer,
Et tout à coup me fait désespérer.
Sourcil sur qui amour prit le portrait
Et le
patron9 de son arc, qui attrait
Hommes et Dieux à son obéissance,
Par triste mort et douce jouissance.
Ô sourcil brun, sous tes noires ténèbres
J'ensevelis en désirs trop funèbres
Ma liberté et ma
dolente10 vie,
Qui doucement par toi me fut ravie.