Les formes sont les expressions fortes d'une vie forte. La différence de ces expressions entre elles réside dans le matériau, le mot la couleur, le son, la pierre, le bois, le métal. Il n'est pas nécessaire de comprendre toutes les formes. De même que de lire toutes les langues.
Le geste dédaigneux de la main, avec lequel les amateurs d'art et les artistes ont relégué jusqu'à présent dans le domaine de l'ethnologie – ou des arts décoratifs – toutes les formes artistiques des peuples primitifs, est au moins surprenant.
Les tableaux que nous accrochons à nos murs sont en principe semblables aux flèches taillées et colorées dans une cabane de Noirs, pour le Noir, l'idole est la forme saisissable d'une idée insaisissable, la personnification d'une notion abstraite. Pour nous, le tableau est la forme saisissable d'une idée obscure et insaisissable d'un être disparu, d'un animal, d'une plante, de tout le charme de la nature, du rythme.
Le portrait du Dr Gachet de Van Gogh ne provient‑il pas d'une vie spirituelle similaire à la grimace étonnée, taillée dans le bois, du jongleur japonais ? Le masque du démon des maladies de Ceylan est l'expression de la terreur d'un peuple primitif ; par laquelle ses prêtres exorcisent ce qui est malade. [...]
Comme au mépris de l'esthétique européenne, les formes parient partout un langage solennel. C'est déjà dans le jeu des enfants, dans le chapeau de la cocotte, dans la joie d'une journée ensoleillée que se matérialisent en secret des idées invisibles.