Philosophie Terminale

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Ch. 2
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Ch. 3
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Ch. 4
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Ch. 5
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Ch. 6
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Ch. 7
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Ch. 9
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Ch. 10
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Ch. 11
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Ch. 12
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Ch. 13
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Ch. 14
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Ch. 16
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Chapitre 8
Réflexion 1

L'œuvre d'art dit‑elle la beauté du monde ?

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Platon - Antiquité

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Repères

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Texte 1
L'art est illusion

Texte fondateur

L'art est présenté ici comme une puissance trompeuse, puisqu'il nous fait prendre l'image du lit pour un lit concret, qui lui‑même n'est qu'un exemplaire possible de la définition du lit ; seule l'idée du lit est parfaite et indestructible.

 – [Socrate] Donc peintre, fabricant de lits, dieu, ces trois‑là président à trois espèces de lits.

 – [Glaucon] Oui, ces trois‑là.

 – Le dieu, lui, soit qu'il ne l'ait pas voulu, soit que quelque nécessité se soit imposée à lui de ne pas fabriquer plus d'un lit dans la nature, le dieu ainsi n'a fait que ce seul lit qui soit réellement lita, Mais le dieu n'a pas donné naissance à deux lits de cet ordre, ou à plus, et il est impossible qu'ils viennent à naître.

 – Comment cela ? dit‑il.

 – C'est que, dis‑je, s'il en créait ne fût‑ce que deux, en apparaîtrait à nouveau un unique dont ces deux‑là, à leur tour, auraient la forme, et ce serait celui‑là qui serait ce qui est réellement un lit, et non pas les deux autres.

 – C'est exact, dit‑il.

 – Sachant donc cela, je crois, le dieu, qui voulait être réellement le créateur d'un lit qui fût réellement, et non pas d'un lit parmi d'autres ni un créateur de lit parmi d'autres, a fait naître celui‑là, qui est unique par nature.

 – Oui, c'est sans doute cela.

 – Eh bien veux‑tu que nous lui donnions le nom d'auteur naturel de cet objet, ou quelque autre nom de ce genre ?

 – Oui, ce serait juste, dit‑il, puisque c'est bien par nature qu'il l'a créé, aussi bien que toutes les autres choses.

 – Et quel nom donner au menuisier ? N'est‑ce pas celui d'artisan du lit ?

 – Si.

 – Et le peintre, sera‑t‑il lui aussi l'artisan, et le créateur d'un tel objet ?

 – Non, d'aucune façon.

 – Que déclareras‑tu alors qu'il est, par rapport au lit ?

 – Voici, dit‑il, à mon avis le nom le plus approprié dont on pourrait le nommer : imitateur de ce dont eux sont les artisansb.

 – Soit, dis‑je. Donc tu nommes imitateur l'homme du troisième degré d'engendrement à partir de la nature ?

 – Oui, exactement, dit‑il.

 [...]

 – Mais dis‑moi, à propos du peintre : te semble‑t‑il entreprendre d'imiter, pour chaque chose, cela même qu'elle est par nature, ou bien les ouvrages des artisans ?

 – Les ouvrages des artisans, dit‑il.

 – Tels qu'ils sont, ou tels qu'ils apparaissent ? Tu dois en effet faire encore cette distinction.

 – En quel sens l'entends‑tu ? dit‑il.

 – En ce sens‑ci : un lit, que tu le regardes de côté, de face, ou sous n'importe quel angle, diffère‑t‑il de lui‑même en quoi que ce soit, ou bien n'en diffère‑t‑il en rien, mais apparaît‑il seulement différent ? Et de même pour les autres objets ?

 – C'est la seconde réponse, dit‑il : il apparaît différent, mais ne diffère en rien.

 – Alors examine ce point précisément : dans quel but a été créé l'art de peindre, pour chaque chose : en vue d'imiter ce qui est, tel qu'il est, ou bien ce qui apparaît, tel qu'il apparaît ? est‑il une imitation de la semblance, ou de la vérité ?

 – De la semblance, dit‑il.

 – Par conséquent l'art de l'imitation est assurément loin du vraic et, apparemment, s'il s'exerce sur toutes choses, c'est parce qu'il ne touche qu'à une petite partie de chacune, et qui n'est qu'un fantôme. Ainsi le peintre, affirmons‑nous, nous peindra un cordonnier, un menuisier, les autres artisans, alors qu'il ne connaît rien à leurs arts. Cependant, pour peu qu'il soit bon peintre, s'il peignait un menuisier et le leur montrait de loin, il pourrait tromper au moins les enfants et les fous, en leur faisant croire que c'est véritablement un menuisier.

 – Oui, forcément.
Platon
La République, IVe s. av. J.-C., trad. E. Chambry, Les Belles Lettres, 1932.

Aide à la lecture

a. L'expression « réellement lit » renvoie à l'essence même du lit, sa forme originelle, ce que Platon appelle l'Idée ou la forme d'un être.
b. La peinture est doublement illusoire puisqu'elle est l'apparence d'une apparence. Le lit de l'artisan a une réalité concrète et l'homme peut y dormir, mais il n'est que la copie de l'Idée du lit.
c. Croire que l'œuvre d'art nous livre la réalité, c'est être ignorant et dupe. C'est donc une faillite intellectuelle et morale à la fois. L'art est dangereux.
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Question

Qu'est-ce qui est réel : ce que l'homme conçoit (idée), ce qu'il fabrique (chose), ou ce qu'il représente (art) ?
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Précision

Les trois degrés de l'être : essence, réalité et simulacre

Les trois degrés de l'être : essence, réalité et simulacre
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Dans cet extrait, Platon dénonce l'art d'imitation. Or l'art grec s'inscrit exactement dans ce registre. Le peintre Zeuxis en est l'exemple le plus célèbre : les raisins peints de ses décors de théâtre paraissaient tellement réels que même les oiseaux venaient les picorer. Son art trompait la nature en personne.

Platon voit dans l'art un miroir qui ne fait que refléter la réalité. Si la divinité crée l'idée de lit, si le menuisier réalise la « chose‑lit » à partir de l'idée, le peintre ne fait qu'une copie de la « chose‑lit » : il n'est qu'un imitateur, par deux fois éloigné de l'essence.

Ainsi, l'artiste démobilise l'homme de la recherche des vérités éternelles et l'enfonce dans la séduction du sensible : par son ignorance et son immoralité, l'art est donc dangereux. Cependant, il ne faut pas réduire la pensée esthétique de Platon à ce texte. Dans Le banquet, il montre que, du beau, du bien et du vrai, seul le beau peut être découvert dès la vie sensible grâce à l'art ; dans Ion, le philosophe attribue le don créateur des poètes à l'inspiration divine. Il appelle cet état créateur l'enthousiasme (en‑theos = habité par un dieu).

Platon voit bien que l'art n'est pas une stricte imitation ; c'est aussi un reflet de l'absolu dans le monde sensible puisque la beauté parle de perfection.

« L'art est mensonge », écrit Platon. « L'art est un beau mensonge », écrira Nietzsche.
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Texte 2
C'est l'art qui donne à la nature sa beauté

Il existe deux formes de la mimêsis. Si la première est une simple copie de la nature, la seconde est une recherche de style par laquelle l'art donne sa beauté à la nature.

 À l'origine de l'art poétique dans son ensemble, il semble bien y avoir deux causes, toutes deux naturelles. Imiter est en effet, dès leur enfance, une tendance naturelle aux hommes – et ils se différencient des autres animaux en ce qu'ils sont des êtres fort enclins à imiter et qu'ils commencent à apprendre à travers l'imitation – comme la tendance commune à tous, de prendre plaisir aux représentations ; la preuve en est ce qui se passe dans les faits : nous prenons plaisir à contempler les images les plus exactes de choses dont la vue nous est pénible dans la réalité, comme les formes d'animaux les plus méprisés et des cadavres. Une autre raison est qu'apprendre est un grand plaisir non seulement pour les philosophes, mais pareillement aussi pour les autres hommes […]. On se plaît en effet à regarder les images car leur contemplation apporte un enseignement et permet de se rendre compte de ce qu'est chaque chose, par exemple que ce portrait-là, c'est un tel ; car si l'on se trouve ne pas l'avoir vu auparavant, ce n'est pas tant en tant que représentation que ce portrait procurera le plaisira, mais en raison du fini dans l'exécution, de la couleur ou d'une autre cause de ce genre.
Aristote
Poétique, IVe.s. av. J.-C., trad. M. Magnien, © Librairie Générale Française - Le Livre de Poche, 2002.

Aide à la lecture

a. Ricœur, dans Temps et récit, exposait ainsi la particularité de la mimêsis selon Aristote : « il faut entendre tout le contraire du décalque d'un réel préexistant et parler d'imitation créatrice. »
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Aristote - Antiquité

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Question

Qu'ajoute l'œuvre d'art à la beauté de la nature ?
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Texte 3
Le beau est une création de l'esprit

La beauté de la nature et celle de l'art ne sont pas définies de la même manière.

Malgré nos demandes, les ayants droit de ce texte refusent que nous affichions celui-ci sur notre site en libre accès. Nous le regrettons profondément et nous excusons pour la gêne occasionnée.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel
1835, Esthétique, © PUF, 1998.

Aide à la lecture

a. La beauté est conçue par l'esprit ; elle est donc un jugement, une création de l'esprit (première naissance). L'artiste va plus loin, car il incarne son esprit dans l'œuvre (seconde naissance).
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Placeholder pour Georg Friedrich Wilhelm HegelGeorg Friedrich Wilhelm Hegel
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Hegel - XIXe siècle

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Question

Quelle différence entre le beau de la nature, donné, et le beau dans l'art, créé ?
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Focus

L'hyperréalisme new‑yorkais

Placeholder pour Edward Hopper, NighthawksEdward Hopper, Nighthawks
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Edward Hopper, Nighthawks (Oiseaux de nuit), 1942, huile sur toile, 84,1 × 152,4 cm (Art Institute, Chicago).
Cette école américaine de la seconde moitié du XXe siècle recherche une précision quasi photographique, au service d'un regard froid, sans émotion, qui s'efface au profit des objets. La peinture retrouve dans cette acception une fonction mimétique.

Pourtant, les toiles de Hopper (1882‑1967) dévoilent moins la réalité brute du monde qu'un certain regard sur ce monde contemporain dans toute sa solitude minérale et technique. Il s'agit d'un monde fabriqué par l'homme et pourtant très déshumanisé.

L'exemple de l'hyperréalisme montre ce qu'est une esthétique : c'est un traitement de la réalité, jamais une imitation servile.
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Texte 4
La peinture doit imiter la nature

La Renaissance, dont Léonard de Vinci est un artiste emblématique, retrouve largement les valeurs et les exigences de l'Antiquité. Il s'agit de montrer la réalité telle qu'on la voit par l'usage de la perspective et par le souci d'imiter la nature, notamment dans les paysages.

 La peinture la plus digne d'éloges est celle qui a le plus de ressemblance avec ce qu'elle imite. Je dis cela contre les peintres qui prétendent corriger les oeuvres de la nature, ceux par exemple, qui représentent un enfant d'un an, dont la tête devrait entrer cinq fois dans sa hauteur, et qui la font entrer huit fois ; et alors que la largeur de ses épaules est égale à celle de sa tête, ils font la tête moitié moins large que les épaulesa ; et de la sorte ils donnent à un petit enfant d'un an les proportions d'un homme de trente. Et ils ont si souvent pratiqué et vu pratiquer cette erreur, et l'usage a si bien pénétré et s'est tellement fixé dans leur jugement corrompu, qu'ils se convainquent eux‑mêmes que la nature et ceux qui imitent la nature errent grandement à ne pas faire comme eux.

 […] Un Peintre ne doit jamais s'attacher servilement à la manière d'un autre Peintre, parce qu'il ne doit pas représenter les ouvrages des hommes, mais ceux de la nature ; laquelle est d'ailleurs si abondante et si féconde en ses productions, qu'on doit plutôt recourir à elle‑même qu'aux Peintres qui ne sont que ses disciples, et qui donnent toujours des idées de la nature moins belles, moins vives, et moins variées que celles qu'elle en donne elle‑même, quand elle se présente à nos yeux.
Léonard de Vinci
Traité de la peinture, 1651 (posthume), trad. A. Chastel.

Aide à la lecture

a. Léonard de Vinci est aussi connu pour ses planches anatomiques. Il souhaite représenter, en art, ce que l'observation scientifique lui a permis de comprendre : la juste proportion du corps. Ce vœu aboutira à son dessin L'homme de Vitruve.
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Vinci - XVIe siècle

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Question

La représentation de la nature impose‑t‑elle la fidélité ?
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Activité

À partir du texte 2, du texte 3 et du texte 4 et du focus, rédigez un paragraphe de commentaire à propos de la phrase de Paul Klee : « l'art ne reproduit pas le visible, il rend visible. »
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