Philosophie Terminale

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SECTION 1 • Le roseau pensant
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La conscience
Ch. 2
L’inconscient
Ch. 3
Le temps
Ch. 4
La raison
Ch. 5
La vérité
SECTION 2 • Le fils de Prométhée
Ch. 6
La science
Ch. 7
La technique
Ch. 9
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Ch. 10
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Ch. 11
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Ch. 12
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Ch. 13
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Ch. 14
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Chapitre 8
Réflexion 2

Comment jugeons‑nous de l'esthétique ?

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Kant - XVIIIe siècle

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Repères

  • Objectif / Subjectif / Intersubjectif
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Texte 5
Le jugement esthétique a une portée universelle

Texte fondateur

Kant rappelle au début de ce texte une première définition du jugement esthétique comme « la faculté de juger d'un objet ou d'une représentation par une satisfaction dégagée de tout intérêt. » Le plaisir esthétique est un plaisir sans désir. Le beau touche l'homme même s'il n'a aucun intérêt à la chose, aucun besoin ni envie. Ce plaisir est donc ressenti par le sujet mais ne dépend pas de lui.

 Le beau est ce qui est représenté, sans concepta, comme l'objet d'une satisfaction universelle.

 Cette définition du beau peut être tirée de la précédente, qui en fait l'objet d'une satisfaction dégagée de tout intérêt. En effet, celui qui a conscience de trouver en quelque chose une satisfaction désintéressée ne peut s'empêcher de juger que la même chose doit être pour chacun la source d'une semblable satisfaction. Car, comme cette satisfaction n'est point fondée sur quelque inclination du sujet (ni sur quelque intérêt réfléchi), mais que celui qui juge se sent entièrement libre relativement à la satisfaction qu'il attache à l'objet, il ne pourra trouver dans des conditions particulières la véritable raison qui la détermine en lui, et il la regardera comme fondée sur quelque chose qu'il peut aussi supposer en tout autre ; il croira donc avoir raison d'exiger de chacun une semblable satisfaction. Aussi parlera‑t‑il du beau comme si c'était une qualité de l'objet même, et comme si son jugement était logique (c'est‑à‑dire constituait par des concepts une connaissance de l'objet), bien que ce jugement soit purement esthétique et qu'il n'implique qu'un rapport de la représentation de l'objet au sujet : c'est qu'en effet il ressemble à un jugement logique en ce qu'on peut lui supposer une valeur universelleb . Mais cette universalité n'a pas sa source dans des concepts. Car il n'y a point de passage des concepts au sentiment du plaisir ou de la peine. […] Le jugement de goût, dans lequel nous avons conscience d'être tout à fait désintéressés, peut donc réclamer à juste titre une valeur universelle, quoique cette universalité n'ait pas son fondement dans les objets mêmes ; en d'autres termes, il a droit à une universalité subjectivec.

 Pour ce qui est de l'agréable, chacun reconnaît que le jugement par lequel il déclare qu'une chose lui plaît, étant fondé sur un sentiment particulier, n'a de valeur que pour sa personne. C'est pourquoi, quand je dis que le vin de Canarie est agréable, je souffre volontiers qu'on me reprenne et qu'on me rappelle que je dois dire seulement qu'il m'est agréable ; et cela ne s'applique pas seulement au goût de la langue, du palais et du gosier, mais aussi à ce qui peut être agréable aux yeux et aux oreilles. Pour celui‑ci la couleur violette est douce et aimable, pour celui‑là elle est terne et morte. Tel aime le son des instruments à vent, tel autre celui celui des instruments à cordes. Ce serait folie de prétendre contester ici et accuser d'erreur le jugement d'autrui lorsqu'il diffère du nôtre, comme s'ils étaient opposés l'un à l'autre ; en fait d'agréable, il faut donc reconnaître ce principe que chacun a son goût particulier (le goût de ses sens).

 Il en est tout autrement en matière de beau. Ici, en effet, ne serait-il pas ridicule qu'un homme qui se piquerait de quelque goût crût avoir tout décidé en disant qu'une chose (comme, par exemple, cet édifice, cet habit, ce concert, ce poème soumis à notre jugement), est belle pour lui ? C'est qu'il ne suffit pas qu'une chose plaise pour qu'on ait le droit de l'appeler belle. Beaucoup de choses peuvent avoir pour moi de l'attrait et de l'agrément, personne ne s'en inquiète ; mais lorsque je donne une chose pour belle, j'exige des autres le même sentimentd ; je ne juge pas seulement pour moi, mais pour tout le monde, et je parle de la beauté comme si c'était une qualité des choses. Aussi dis-je que la chose est belle, et, si je m'attends à trouver les autres d'accord avec moi dans ce jugement de satisfaction, ce n'est pas que j'aie plusieurs fois reconnu cet accord, mais c'est que je crois pouvoir l'exiger d'eux.
Emmanuel Kant
Critique du jugement, 1790, trad. J. Barni.

Aide à la lecture

a. Sans concept signifie ici sans démonstration, ou sans argument logique permettant de fixer une définition.
b. Le jugement esthétique affirme comme le jugement logique. Cependant, dire « c'est vrai » suppose une démonstration ou une vérification, alors que dire « c'est beau » ne se prouve pas mais s'éprouve. Le jugement esthétique ne renvoie pas à la qualité de l'objet jugé mais à un sentiment de satisfaction chez la personne qui juge.
c. Par l'expression paradoxale « universalité subjective », il faut comprendre que, ce que l'homme ressent subjectivement, il l'exige et le suppose chez tout autre.
d. Si le jugement de goût ne dépend pas des intérêts d'un individu, il n'est pas relatif à chacun (contrairement au jugement sur l'agréable), donc il peut prétendre à l'universalité. Il faut pouvoir exiger d'un autre qu'il reconnaisse le sentiment de beauté, par exemple s'il est placé devant un objet qui a été jugé beau. Il n'est donc pas possible de dire : « à chacun son goût ! » en matière de beauté.
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Question

Le beau est à la fois sans concept et produit une satisfaction universelle ; est-ce un paradoxe ?
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Texte 6
L'art est un révélateur

Le poète ou le peintre révèlent à l'homme ce qu'il n'avait pas la capacité de saisir clairement : ils trouvent les mots ou les formes pour le dire.

 À quoi vise l'art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ? Le poète et le romancier qui expriment un état d'âme ne le créent certes pas de toutes pièces ; ils ne seraient pas compris de nous si nous n'observions pas en nous, jusqu'à un certain point, ce qu'ils nous disent d'autrui. Au fur et à mesure qu'ils nous parlent, des nuances d'émotion et de pensée nous apparaissent qui pouvaient être représentées en nous depuis longtemps mais qui demeuraient invisibles : telle l'image photographique qui n'a pas encore été plongée dans le bain où elle se révéleraa. Le poète est ce révélateur. Mais nulle part la fonction de l'artiste ne se montre aussi clairement que dans celui des arts qui fait la plus large place à l'imitation, je veux dire la peinture. Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes. […]

 Approfondissons ce que nous éprouvons devant un Turner ou un Corot : nous trouverons que, si nous les acceptons et les admirons, c'est que nous avions déjà perçu quelque chose de ce qu'ils nous montrent. Mais nous avions perçu sans apercevoir.
Henri Bergson
La pensée et le mouvant, 1934.

Aide à la lecture

a. Le développement photographique consiste à plonger dans un bain chimique un papier photo exposé qui va progressivement révéler l'image photographiée.
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Bergson - XXe siècle

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Question

Voyons-nous plus clair dans nos émotions grâce à l'art ?
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