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Texte 1
La félicité : aimer une chose impérissable
Le bonheur consiste à passer de l'amour des choses périssables qui déçoivent (l'argent, la gloire)
à l'amour d'une chose impérissable.
Toute notre félicité et notre misère ne résident qu'en un seul point : à quelle
sorte d'objet sommes‑nous attachés par l'amour ? Pour un objet qui n'est pas
aimé, il ne naîtra point de querelle ; nous serons sans tristesse s'il vient à périr, sans
envie s'il tombe en la possession d'un autre ; sans crainte, sans haine et, pour le
dire d'un mot, sans trouble de l'âme ; toutes ces passions sont, au contraire, notre
partage quand nous aimons des choses périssables, comme toutes celles dont nous
venons de parler. Mais l'amour allant à une chose éternelle et infinie repaît l'âme
d'une joie pure, d'une joie exempte de toute tristessea ; bien grandement désirable
et méritant qu'on le cherche de toutes ses forces. Ce n'est pas sans raison toutefois
que j'ai écrit ces mots : si seulement je pouvais réfléchir sérieusement. Si clairement
en effet que mon esprit perçût ce qui précède, je ne pouvais encore me détacher
entièrement des biens matériels, des plaisirs et de la gloire.
Baruch Spinoza
Traité de la réforme de l'entendement, 1677, trad. C. Appuhn.
Aide à la lecture
a. Peut-on se résoudre à aimer ? Si l'on
répond positivement, on peut trouver
le bonheur dans la résolution de n'aimer
qu'une chose éternelle et infinie.
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Question
Suffit‑il de savoir ce qui fait notre bonheur pour y conformer notre action ?
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Texte 2
Le bonheur des « grandes âmes »
Texte fondateur
Dans ce passage, Descartes distingue deux sortes d'êtres humains – les « plus grandes âmes »
et « celles du commun » – qui ne sont pas heureux de la même manière.
[L]a différence qui est entre les plus grandes âmes et celles qui sont basses et
vulgaires, consiste, principalement, en ce que les âmes vulgaires se laissent aller
à leurs passions, et ne sont heureuses ou malheureuses, que selon que les choses
qui leur surviennent sont agréables ou déplaisantes ; au lieu que les autres ont des
raisonnements si forts et si puissants que, bien qu'elles aient aussi des passions,
et même souvent de plus violentes que celles du commun, leur raison demeure
néanmoins toujours la maîtressea, et fait que les afflictions1 même leur servent, et
contribuent à la parfaite félicité dont elles jouissent dès cette vie. […] Et comme
les histoires tristes et lamentables, que nous voyons représenter sur un théâtre,
nous donnent souvent autant de récréation que les gaies, bien qu'elles tirent des
larmes de nos yeux ; ainsi ces plus grandes âmes, dont je parle, ont de la satisfaction,
en elles‑mêmes, de toutes les choses qui leur arrivent, même des plus
fâcheuses et insupportables. Ainsi, ressentant de la douleur en leur corps, elles
s'exercent à la supporter patiemment, et cette épreuve qu'elles font de leur force,
leur est agréable ; ainsi, voyant leurs amis en quelque grande affliction, elles compatissent
à leur mal, et font tout leur possible pour les en délivrer, et ne craignent pas même de s'exposer à la mort pour ce sujet, s'il en est besoin. Mais, cependant,
le témoignage que leur donne leur conscience, de ce qu'elles s'acquittent en cela
de leur devoir, et font une action louable et vertueuse, les rend plus heureuses,
que toute la tristesse, que leur donne la compassion, ne les afflige.
René Descartes
Lettre à Élisabeth, 1645.
Aide à la lecture
a. Descartes distingue ici l'action et la
passion.
Les âmes communes qui « se laissent
aller à leurs passions » sont donc
passives à leur égard.
Les « grandes âmes », qui ont elles
aussi des passions, sont actives grâce
à la raison. Leur bonheur n'est donc
pas entièrement dépendant de leurs
passions.
Notes de bas de page
1. Souffrances causées par des événements négatifs.
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Question
En quoi consiste précisément le bonheur des « grandes âmes » ?
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Texte 3
Le bonheur est dans la conquête
Alain explique que le bonheur n'a pas besoin d'un objet de plaisir précis, car il s'agit de transformer
en occasion de bonheur tout ce que nous pouvons rencontrer.
Remarquez que les plaisirs n'ont guère de prise sur nous si nous ne nous
disposons pas à les goûter. Même dans les plaisirs de la table, qui doivent peu à
l'esprit, il faut pourtant apporter une attention bienveillante. Encore bien plus
évidemment, quand il s'agit des plaisirs de l'esprit, il faut vouloir les conquérir, et
il serait vain de les attendre. Nul ne dira au jeu d'échecs : « Amuse‑moi. » C'est
par une volonté suivie, exercée, entraînée, que l'on fera son plaisir. Même jouer
aux cartes suppose la volonté de s'y plaire. En sorte qu'on pourrait dire que rien au
monde ne plaît de soi. Il faut prendre beaucoup de peine pour se plaire à la géométrie,
au dessin, à la musique. Et cette liaison de la peine au plaisir se voit bien
clairement dans les jeux violents. Il est étrange que les coureurs, lutteurs et boxeurs
trouvent du plaisir à toute cette peine qu'ils se donnent ; et cela est pourtant hors
de doute. Si l'on réfléchit assez sur ce paradoxe de l'homme, on ne se représentera
nullement l'homme heureux comme celui à qui tous les bonheurs sont apportés ;
mais au contraire on le pensera debout, en action et en conquête, et faisant bonheur
d'une puissance exercée. En ce sens, ceux qui traitent du bonheur n'ont pas
tort de mépriser le plaisir, qui en effet bien promptement rassasie et dégoûte,
s'il n'est relevé par une vue supérieure de l'esprit. Je dis le même plaisir ; et, par
exemple un bon repas est beaucoup relevé par les joies de l'amitié. Cet exemple
en fera comprendre d'autres, bien plus importants, mais qui ne se prêtent point à une analyse publique. Je conclus que les plaisirs ont grand besoin de bonheur.
Le bonheur en revanche semble n'avoir pas tant besoin de plaisirs, car il les fait et
les compose de n'importe quels matériaux.
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Question
Selon Alain, à quoi tient notre bonheur ?
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Activité
En synthétisant dans un tableau les thèses et les exemples du texte 1, du texte 2 et du texte 3, organisez un plan pour répondre au sujet : savons‑nous ce qui nous rend heureux ?
Texte 1
Texte 2
Texte 3
Thèses
Thèses
Thèses
Exemples
Exemples
Exemples
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Texte 4
Quel rôle le plaisir joue-t-il dans le bonheur ?
Épicure donne à son disciple et ami Ménécée une série de préceptes à suivre pour atteindre le
bonheur. Le plaisir y joue un rôle moins important qu'on ne le croit souvent chez ce philosophe.
Une théorie1 non erronée des désirs doit rapporter tout choix et toute aversion
à la santé du corps et à l'ataraxie de l'âmea, puisque c'est là la perfection même de la
vie heureuse. Car nous faisons tout afin d'éviter la douleur physique et le trouble de
l'âme. Lorsqu'une fois nous y avons réussi, toute l'agitation de l'âme tombe, l'être
vivant n'ayant plus à s'acheminer vers quelque chose qui lui manque, ni à chercher
autre chose pour parfaire le bien‑être de l'âme et celui du corps. Nous n'avons en effet
besoin du plaisir que quand, par suite de son absence, nous éprouvons de la douleur ;
et quand nous n'éprouvons pas de douleur nous n'avons plus besoin du plaisir. C'est
pourquoi nous disons que le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse.
En effet, d'une part, le plaisir est reconnu par nous comme le bien primitif et
conforme à notre nature, et c'est de lui que nous partons pour déterminer ce qu'il faut
choisir et ce qu'il faut éviter ; d'autre part, c'est toujours à lui que nous aboutissons,
puisque ce sont nos affections qui nous servent de règle pour mesurer et apprécier tout
bien quelconque, si complexe qu'il soit. Mais, précisément parce que le plaisir est le
bien primitif et conforme à notre nature, nous ne recherchons pas tout plaisir, et il y a
des cas où nous passons par‑dessus beaucoup de plaisirs, savoir lorsqu'ils doivent avoir
pour suite des peines qui les surpassent ; et, d'autre part, il y a des douleurs que nous
estimons valoir mieux que des plaisirs, savoir lorsque après avoir longtemps supporté
les douleurs, il doit résulter de là pour nous un plaisir qui les surpasse.
Épicure
Lettre à Ménécée, IIIe s. av. J.-C., trad. O. Hamelin.
Aide à la lecture
a. L'ataraxie désigne
l'absence de trouble
de l'esprit, l'absence de souffrance
mentale. On la distingue de l'aponie,
l'absence de souffrance physique.
Voir le classement des désirs suivant
l'épicurisme ci-dessous.
Notes de bas de page
1. Une théorie (du grec theorein, « contempler, observer, examiner ») est ici un ensemble d'explications
organisées en un système cohérent. Une pratique (du grec praktikos, « actif, efficace ») consiste à mettre en
application des règles ou des conseils fondés sur une théorie.
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Question
Le plaisir est-il l'ingrédient principal du bonheur ?
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Texte 5
Bonheur et
biens matériels
Le stoïcisme est une philosophie de la sagesse. Elle
cherche le bonheur dans la vérité. Or cette vérité
nous enseigne que la fortune, c'est‑à‑dire la chance,
ne peut pas faire notre bonheur, ni notre malheur, si
elle vient à manquer.
Ne va jamais croire qu'un homme qui
s'accroche au bien‑être matériel puisse être
heureux. Celui qui tire sa joie de ce qui vient
du dehors s'appuie sur des bases fragiles. La
joie est entrée ? Elle sortira. Mais celle qui
naît de soi est fidèle et solide. Elle croît sans
cesse et nous escorte jusqu'à la fin. Tous
les autres objets qui sont communément
admirés sont des biens d'un jour. « Comment ? On ne peut pas en tirer utilité et
plaisir ? » Personne ne dit cela. Mais à condition que ce soient eux qui dépendent
de nous et non le contraire. Tout ce qui relève de la Fortunea est profitable, agréable,
à condition que le possesseur se possède aussi et ne soit pas asservi à ses biens. En
effet, ceux qui pensent que c'est la Fortune qui nous attribue le bien ou le mal
se trompent. Elle accorde juste la matière des biens et des maux, et les éléments
de base destinés chez nous à tourner au mal ou au bien. L'âme, en effet, est plus
puissante que la Fortune. Pour le meilleur ou pour le pire, elle conduit elle‑même
ses affaires. C'est elle qui est responsable de son bonheur ou de son malheur.
Sénèque
Lettres à Lucilius, Ier s. apr. J.-C., trad. A. Golomb, Arléa, 2010.
Aide à la lecture
a. Dans la mythologie romaine, Fortuna
est la déesse du hasard (positif ou
négatif). Par métonymie, la Fortune
désigne ici la chance.
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Question
Comment être heureux sans compter sur la chance ?
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Focus
Le mythe de Midas
Midas, roi de Phrygie, était connu pour sa cupidité. Ses
troupes trouvèrent un jour un homme ivre qu'elles amenèrent
jusqu'au roi. Midas le reconnut : il s'agissait de
Silène, l'ami de Dionysos, dieu de la fête et du vin. Il fit
donner une grande fête en son honneur et lui offrit l'hospitalité.
Pour remercier Midas de l'accueil réservé à son
ami, Dionysos proposa à Midas d'accomplir son vœu le
plus cher.
Ce dernier était un homme avide, préoccupé d'asseoir sa
puissance en augmentant son trésor. Il demanda donc à
Dionysos le pouvoir de transformer tout ce qu'il touchait
en or. Son vœu fut exaucé mais, très vite, il comprit son
erreur, car se transformèrent également en or son eau, sa
nourriture et même sa propre fille.
Il implora alors Dionysos de lui rendre son ancienne
condition. Seuls des bains répétés dans le fleuve Pactole
pouvaient briser ce vœu. Midias accomplit donc ces rites
et retrouva ainsi son ancienne vie.
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Walter Crane, Le roi Midas et sa fille,
1893, lithographie (bibliothèque du
Congrès, Washington).
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Activité
Illustrez le classement des plaisirs du tableau ci-dessus avec des exemples variés et personnels.
Désirs naturels nécessaires
Désirs naturels non nécessaires
Désirs non naturels et non nécessaires
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