AMITAL. ‑ Tout est mis aux couteaux, on n'épargne personne,
À sexe ou qualité1 le soldat ne pardonne :
Les femmes, les enfants et les hommes âgés
Tombent sans nul égard pêle‑mêle égorgés.
Le sang, le feu, le fer, coule, flambe, résonne,
On entend les tambours, mainte trompette sonne,
Tout est jonché de morts, l'ennemi sans pitié
Meurtrit ce qu'il rencontre et le foule du pied.
Or le Roi, qui soudain entendit cet esclandre2,
Troublé saute du lit et va ses armes prendre :
Mais retenu par nous et ayant entendu
De ses gens effrayés que tout était perdu,
Descend secrètement avecques3 sa famille,
Et par une poterne abandonne la ville.
Un chemin se présente aux montagnes tendant
Pour gagner l'Arabie et laisser l'Occident,
Il est rude, pierreux, raboteux et sauvage,
Les rocs des deux côtés malaisent le passage :
Ores4 il faut grimper à mont un rocher droit,
Ore il faut dévaler par un chemin étroit,
Vous voyez à vos pieds l'horreur d'un précipice,
Qui fait en le voyant que le poil en hérisse […].
La nuit était obscure et nos humides yeux
Ne voyaient pour conduite aucune lampe aux cieux,
Toutefois en bronchant, en tombant à toute heure,
Nous franchissons enfin cette rude demeure,
Descendons en la plaine et hâtons notre pas
Chaque mère portant son enfant en ses bras.
Vous eussiez eu pitié de nous voir demi‑nues
Courant et haletant par sentes inconnues,
Le front échevelé, regardant à tous coups
Si l'ennemi sanglant accourait après nous.
Mais las ! comme le jour en commençant sa peine
Nous éclairait errant par la déserte plaine,
Auprès de Jéricho5 nous entendons hennir
Des chevaux et soudain nous les voyons venir. […]
Las ! prenez‑en pitié, merci6 nous vous crions,
Nous n'espérons qu'en vous, seule nous vous prions.
Tantôt (... tantôt).