LENTULE, regardant derrière la tapisserie. – Holà, qui tient la pièce1 ?
GENEST. – Il n'en est plus besoin.
Dedans cette action, où le ciel s'intéresse2,
Un ange tient la pièce, un ange me redresse ;
Un ange, par son ordre, a comblé mes souhaits,
Et de l'eau du baptême, effacé mes forfaits3 ;
Ce monde périssable, et sa gloire frivole,
Est une comédie où j'ignorais mon rôle ;
J'ignorais de quel feu mon cœur devait brûler,
Le démon me dictait, quand Dieu voulait parler ;
Mais depuis que le soin d'un esprit angélique,
Me conduit, me redresse, et m'apprend ma réplique,
J'ai corrigé mon rôle, et le démon confus,
M'en voyant mieux instruit, ne me suggère plus ;
J'ai pleuré mes péchés, le ciel a vu mes larmes,
Dedans cette action, il a trouvé des charmes,
M'a départi sa grâce4, est mon approbateur,
Me propose des prix, et m'a fait son acteur.
LENTULE. – Quoi qu'il manque au sujet, jamais il ne hésite5.
GENEST. – Dieu m'apprend sur‑le‑champ ce que je vous récite ;
Et vous m'entendez mal, si dans cette action
Mon rôle passe encor pour une fiction.
DIOCLÉTIAN. – Votre désordre enfin force ma patience ;
Songez‑vous que ce jeu se passe en ma présence ?
Et puis‑je rien comprendre au trouble où je vous vois ?
GENEST. – Excusez‑les, Seigneur, la faute en est à moi,
Mais mon salut dépend de cet illustre crime ;
Ce n'est plus Adrian, c'est Genest qui s'exprime ;
Ce jeu n'est plus un jeu, mais une vérité
Où par mon action je suis représenté,
Où moi‑même l'objet et l'acteur de moi‑même,
Purgé de mes forfaits par l'eau du saint baptême
Qu'une céleste main m'a daigné conférer,
Je professe une loi6 que je dois déclarer.
À laquelle Dieu prend part.
Religion.