Dans la société d'Ancien Régime, chacun est défini par son état, c'est-à-dire sa position dans la société. On considère au [XVIe siècle] que cet état est voulu par Dieu, qu'il fait partie de la construction divine du monde, et donc de l'ordre social et politique : aussi n'est-il pas question de le rejeter, mais faut-il au contraire s'y conformer en bon chrétien et en bon sujet. Or, alors que pour les hommes l'état est avant tout déterminé par le statut social et/ou professionnel, les femmes, dans cette optique, sont placées sous le signe de leurs fonctions familiales. Être femme, c'est être épouse et mère. Certes, les hommes aussi n'accèdent pleinement au statut d'homme, d'adulte, qu'une fois mariés ; mais ce n'est pas être mari et père qui les définit socialement. Cultiver la terre, produire des objets, se battre au service du roi : tels sont par exemple les devoirs d'un paysan, d'un artisan ou d'un noble au XVIe siècle. Être mère et épouse : tels sont les devoirs d'une femme, qu'elle soit paysanne, ouvrière de l'artisanat ou noble. « Être homme » n'est pas un état ; « être femme », c'est-à-dire être épouse et mère, en est un. Bien entendu, les différences sociales se conjuguent à cette définition commune. Dans cette société très hiérarchisée et inégalitaire, c'est à l'intérieur de son milieu, défini par l'état de son père ou de son mari, qu'une femme est épouse et mère : noble, paysanne, travailleuse de l'artisanat n'ont pas la même vie. Elles sont séparées, voire opposées, par de multiples frontières sociales et juridiques ; leur rang, leurs prérogatives1, leurs préoccupations ne sont pas les mêmes. Mais elles sont rassemblées dans le regard commun porté sur l'être féminin, ses caractéristiques et ses fonctions. Ainsi, même si dans la vie courante les femmes ne sont pas seulement des épouses et des mères, le discours tenu sur elles les situe toujours dans le cadre familial.