GÉRONTE. – Eh, Scapin, montre‑toi serviteur zélé1 : ne
m'abandonne pas, je te prie.
SCAPIN. – Je le veux bien. J'ai une tendresse pour vous qui
ne saurait souffrir2 que je vous laisse sans secours.
GÉRONTE. – Tu en seras récompensé, je t'assure ; et je te
promets cet habit‑ci, quand je l'aurai un peu usé.
SCAPIN. – Attendez. Voici une affaire que je me suis trouvée
fort à propos pour vous sauver. Il faut que vous vous mettiez
dans ce sac et que…
GÉRONTE, croyant voir quelqu'un. – Ah !
SCAPIN. – Non, non, non, non, ce n'est personne. Il faut,
dis‑je, que vous vous mettiez là dedans, et que vous gardiez
de remuer en aucune façon. Je vous chargerai sur mon dos,
comme un paquet de quelque chose, et je vous porterai ainsi
au travers de vos ennemis, jusque dans votre maison, où
quand nous serons une fois, nous pourrons nous barricader,
et envoyer quérir main‑forte contre la violence.
GÉRONTE. – L'invention est bonne.
SCAPIN. – La meilleure du monde. Vous allez voir. (À part.) Tu me payeras
l'imposture.
GÉRONTE. – Eh ?
SCAPIN. – Je dis que vos ennemis seront bien attrapés. Mettez‑vous bien
jusqu'au fond, et surtout prenez garde de ne vous point montrer, et de ne branler
pas3, quelque chose qui puisse arriver.
GÉRONTE. – Laisse‑moi faire. Je saurai me tenir…
SCAPIN. – Cachez‑vous. Voici un spadassin4 qui vous cherche. (En contrefaisant
sa voix5.) […] « Jé té vaille un louis, et m'enseigne où put être Géronte. »
Vous cherchez le seigneur Géronte ? « Oui, mordi ! Jé lé cherche. » Et pour
quelle affaire, Monsieur ? […] « Jé beux, cadédis, lé faire mourir sous les coups
de vaton. » Oh ! Monsieur, les coups de bâton ne se donnent point à des gens
comme lui, et ce n'est pas un homme à être traité de la sorte. « Qui, cé fat dé
Geronte, cé maraut, cé velître ? » Le seigneur Géronte, Monsieur, n'est ni fat, ni
maraud, ni belître, et vous devriez, s'il vous plaît, parler d'autre façon. […] « Ah !
Cadédis, tu es de ses amis, à la vonne hure. » (Il donne plusieurs coups de bâton sur
le sac.) « Tiens. Boilà cé que jé té vaille pour lui. » Ah, ah, ah ! Ah, Monsieur !
Ah, ah, Monsieur ! Tout beau. Ah, doucement, ah, ah, ah ! « Va, porte‑lui cela de
ma part. Adiusias. » Ah ! diable soit le Gascon ! Ah ! En se plaignant et remuant
le dos, comme s'il avait reçu les coups de bâton.
GÉRONTE, mettant la tête hors du sac. – Ah, Scapin, je n'en puis plus.