TARTUFFE. – C'est sans doute, Madame, une douceur extrême
Que d'entendre ces mots d'une bouche qu'on aime. […]
Et, s'il faut librement m'expliquer avec vous,
Je ne me fierai point à des propos si doux,
Qu'un peu de vos faveurs1, après quoi je soupire,
Ne vienne m'assurer tout ce qu'ils m'ont pu dire,
Et planter dans mon âme une constante foi
Des charmantes bontés que vous avez pour moi.
ELMIRE. Elle tousse pour avertir son mari.
– […]
Mais comment consentir à ce que vous voulez,
Sans offenser le Ciel, dont toujours vous parlez ?
TARTUFFE. – Si ce n'est que le Ciel qu'à mes vœux on oppose,
Lever un tel obstacle est à moi peu de chose,
Et cela ne doit pas retenir votre cœur.
ELMIRE. – Mais des arrêts2 du Ciel on nous fait tant de peur !
TARTUFFE. – Je puis vous dissiper ces craintes ridicules,
Madame, et je sais l'art de lever les scrupules.
Le Ciel défend, de vrai, certains contentements ;
(C'est un scélérat qui parle.)
Mais on trouve avec lui des accommodements […]
Contentez mon désir, et n'ayez point d'effroi,
Je vous réponds de tout, et prends le mal sur moi.
Vous toussez fort, Madame.
ELMIRE. – Oui, je suis au supplice.
TARTUFFE. – Vous plaît‑il un morceau de ce jus de réglisse ?
ELMIRE. – C'est un rhume obstiné, sans doute, et je vois bien
Que tous les jus du monde, ici, ne feront rien.
TARTUFFE. – Cela certes est fâcheux.
ELMIRE. – Oui, plus qu'on ne peut dire.
TARTUFFE. – Enfin votre scrupule est facile à détruire :
Vous êtes assurée ici d'un plein secret,
Et le mal n'est jamais que dans l'éclat qu'on fait ;
Le scandale du monde est ce qui fait l'offense,
Et ce n'est pas pécher que pécher en silence.
Jugements.