DOÑA SOL. – Je vous suivrai.
HERNANI. – Parmi mes rudes compagnons,
Proscrits1 dont le bourreau sait d'avance les noms,
Gens dont jamais le fer ni le cœur ne s'émousse2,
Ayant tous quelque sang à venger qui les pousse ?
Vous viendrez commander ma bande, comme on dit ?
Car, vous ne savez pas, moi, je suis un bandit !
Quand tout me poursuivait dans toutes les Espagnes,
Seule, dans ses forêts, dans ses hautes montagnes,
Dans ses rocs, où l'on n'est que de l'aigle aperçu,
La vieille Catalogne, en mère m'a reçu.
Parmi ses montagnards, libres, pauvres et graves,
Je grandis, et demain, trois mille de ses braves,
Si ma voix dans leurs monts fait résonner ce cor3
,
Viendront … Vous frissonnez? Réfléchissez encor.
Me suivre dans les bois, dans les monts, sur les grèves,
Chez des hommes pareils aux démons de vos rêves,
Soupçonner tout, les yeux, les voix, les pas, le bruit,
Dormir sur l'herbe, boire au torrent, et la nuit
Entendre, en allaitant quelque enfant qui s'éveille,
Les balles des mousquets4 siffler à votre oreille,
Être errante avec moi, proscrite, et s'il le faut
Me suivre où je suivrai mon père, – à l'échafaud.
DOÑA SOL. – Je vous suivrai.
HERNANI. – Le duc5 est riche, grand, prospère.
Le duc n'a pas de tache au vieux nom de son père.
Le duc peut tout. Le duc vous offre sa main
Trésors, titres, bonheur…
DOÑA SOL. – Nous partirons demain.
Hernani, n'allez pas sur mon audace étrange
Me blâmer. Êtes‑vous mon démon ou mon ange ?
Je ne sais, mais je suis votre esclave. Écoutez,
Allez où vous voudrez, j'irai. Restez, partez,
Je suis à vous. Pourquoi fais‑je ainsi ? Je l'ignore.
J'ai besoin de vous voir et de vous voir encore
Et de vous voir toujours. Quand le bruit de vos pas
S'efface, alors je crois que mon cœur ne bat pas,
Vous me manquez, je suis absente de moi‑même ;
Mais dès qu'enfin ce pas que j'attends et que j'aime
Vient frapper mon oreille, alors il me souvient
Que je vis, et je sens mon âme qui revient.
HERNANI, la serrant dans ses bras. – Ange !
DOÑA SOL. – À minuit. Demain. Amenez votre escorte.
Bannis.
Dont jamais
l'épée ni le courage ne
s'affaiblissent.