Philosophie Terminale

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Réflexion 2

Les faits ont-ils toujours raison ?

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Texte 5
Les faits sont indissociables de la valeur qu'on leur attribue

Pour déterminer si les faits peuvent avoir raison, encore faut-il que nous nous assurions que les faits, sur lesquels nous comptons pour trancher un débat, peuvent être détachés de tout jugement de valeur. En remettant en cause la notion d'objectivité, Putnam montre que la proposition « les faits ont toujours raison » n'a pas de sens, car il n'y a pas de faits sans jugement ou sans valeur.

 Le type d'enchevêtrement1 que j'ai à l'esprit devient manifeste lorsque nous analysons des mots comme « cruel ». Le mot « cruela » a manifestement un usage normatif [...] et en effet éthique. Si l'on me demande de dire quel genre de personne est l'instituteur de mon fils, et que je dise « il est très cruel », j'en fais la critique à la fois comme instituteur et comme homme. Je n'ai pas besoin d'ajouter : « il n'est pas un bon instituteur » ou « il n'est pas un homme bon ». Je pourrais certes dire : « quand il ne fait pas preuve de cruauté, c'est un très bon enseignant ». Mais, si je n'ai pas déterminé sous quels rapports et en quelles occasions il est un bon enseignant, ni sous quels rapports et en quelles occasions il est très cruel, je ne peux simplement pas dire « c'est une personne très cruelle et un très bon enseignant ». De même, je ne peux pas dire, en espérant être compris « c'est une personne très cruelle et un homme bon ». Pourtant, « cruelb » peut aussi avoir un usage purement descriptif, comme lorsqu'un historien écrit qu'un certain monarque était exceptionnellement cruel et que la cruauté du régime a provoqué un certain nombre de révoltes. « Cruel » ignore simplement la prétendue dichotomie fait / valeur et se permet allègrement d'être utilisé parfois dans un dessein normatif, parfois comme un terme descriptif. (En effet, ceci est également vrai du terme « crime »). Dans la littérature, il est souvent fait référence à de tels concepts comme à des « concepts éthiques épais2 ». [...]
Pourquoi sommes-nous tentés par la dichotomie3 fait / valeur ?
 Il y a une diversité de raisons pour lesquelles nous sommes tentés d'établir une démarcation entre les « faits » et les « valeurs » – et de l'établir de telle façon que les « valeurs » soient ainsi expulsées du domaine de l'argumentation rationnelle. D'un certain côté, il est beaucoup plus facile de dire : « ceci est un jugement de valeur », au sens de : « c'est seulement une affaire de préférence subjective », que de faire ce que Socrate a essayé de nous enseigner : examiner qui nous sommes, en quoi consistent nos convictions les plus profondes et soumettre ces convictions à l'épreuve d'un examen réfléchi.
Hilary Putnam
Fait / Valeur : la fin d'un dogme, 2002, trad. J.-P. Cometti, M. Caveribère, © Éditions de l'Éclat, 2004.

Aide à la lecture

a. Le mot « cruel » comporte un jugement de valeur, il vise à établir une norme.
b. Le terme « cruel » peut être utilisé sans juger, sur un plan moral, la personne à qui on l'associe.

Notes de bas de page

1. Superposition, entrelacement des deux notions en question (fait et valeur).
2. Ce sont des termes qui entremêlent un jugement de valeur et un jugement des faits.
3. Séparation radicale, opposition tranchée entre deux concepts.
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Putnam - XXe siècle

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Repères

  • Subjectif / Objectif /Intersubjectif
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Question

Que supposerait « l'épreuve d'un examen réfléchi » de nos convictions ?
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Commentaire

Le livre Fait / Valeur : la fin d'un dogme est une réponse à l'empirisme logique – ou positivisme logique – et notamment à Rudolf Carnap. Selon Carnap, seuls les énoncés empiriques, c'est-à-dire les énoncés reposant sur l'expérience, ont un sens. La métaphysique, tout comme la morale, est un non-sens. À cela, Putnam répond qu'aucun énoncé n'est purement factuel ou purement objectif. Le jugement (ou la valeur) intervient également dans les sciences empiriques. La prétendue subjectivité de la morale n'est donc pas un critère pour lui refuser sa prétention à la vérité.
Dans le texte ci-contre, Putnam prend l'exemple du mot « cruel », pour lequel le double caractère normatif et descriptif est manifeste. Son but est de montrer que tous les termes que nous utilisons sont à la fois des descriptions et des jugements, ce qui est cohérent avec sa critique d'un accès possible à des faits purs, que l'on appellerait objectivité.
Il l'explique dans le passage suivant :
« Que dire de l'idée qu'une description correcte du monde est identique à l'objectivité ? Cette idée repose, assez clairement, sur la supposition que “objectivité” signifie correspondance aux objets (une idée qui s'accorde, bien sûr, avec l'étymologie du mot). Mais les vérités normatives telles que “tuer est mal” ne sont pas les seuls contre-exemples que connaisse cette idée. »
Si nous croyons à la différence radicale entre fait et valeur, c'est, selon Putnam, parce que cela nous est confortable : cela nous épargne de réfléchir de manière rationnelle à nos « convictions ». Dire que nos positions ne sont que des préférences personnelles nous évite de devoir les défendre et de devoir nous demander pour quelles raisons nous y croyons. Si l'on rétablit la possibilité de la rationalité des questions morales et métaphysiques, nous ne pouvons plus écarter la position d'un interlocuteur en prétendant que sa position est biaisée. Toute position est biaisée, il n'y a pas de fait ou d'argument sans jugement de valeur, mais cela n'empêche pas d'y réfléchir.
La question que soulève Putnam dans cet extrait est la suivante : la morale peut-elle faire l'objet d'une discussion rationnelle ? Autrement dit : y a-t-il une vérité en morale ? Il est difficile de répondre positivement à cette question si l'on suppose que seules les sciences qui reposent sur l'expérience peuvent être objectives. Mais Putnam montre que la séparation entre le fait objectif et la valeur subjective qu'on lui reconnaît n'est pas convaincante. Ainsi, la séparation entre le descriptif et le normatif n'est pas stricte, comme le montre l'exemple du mot cruel. La pensée de Putnam étend la recherche de la vérité à la morale, elle ne relève donc pas du relativisme : au contraire, elle le combat.
Hilary Putnam, Fait / Valeur : la fin d'un dogme
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Débat

Les jugements de valeur

Dans le domaine des valeurs et de la morale, on pose souvent le relativisme comme indépassable. L'objectif de ce débat est de mettre en question ce présupposé.
  • Question : Nos valeurs sont-elles susceptibles d'être jugées ?
  • Objectif : Porter la réflexion sur le type d'enchevêtrement dont parle Putman et interroger la distinction entre l'approche normative et l'approche descriptive.
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Texte 6
La vérité n'est pas une propriété de l'idée

Dans ce texte, James remet en cause la définition traditionnelle de la vérité comme correspondance entre le discours et la réalité, c'est-à-dire entre, par exemple, la proposition « cet arbre est vert » et l'arbre que je montre du doigt. Selon lui, cette définition engendre des débats infertiles. Il propose une nouvelle définition : la vérité serait un « événement qui se produit pour une idée. » Autrement dit, nous ne pouvons pas dire d'une idée qu'elle est vraie de tout temps, en dehors de toute circonstance. C'est l'utilité qui compte pour déterminer si une proposition est vraie.

 La véritéa, vous dira n'importe quel dictionnaire, est une propriété que possèdent certaines de nos idées : elle consiste dans ce fait qu'elles sont « d'accord », de même que l'erreur consiste dans ce fait qu'elles sont « en désaccord », avec la réalité. Les pragmatistes et les intellectualistesb s'entendent pour admettre cette définition comme une chose qui va de soi. Ils ne cessent de s'entendre qu'au moment où l'on soulève la question de savoir exactement ce que signifie le terme « accord », et ce que signifie le terme «réalité », – lorsque l'on voit dans la réalité quelque chose avec quoi nos idées doivent « s'accorder ». […]
 L'opinion courante, là-dessus, c'est qu'une idée vraie doit être la copie de la réalité correspondante. […] Lorsqu'elles sont vraies, nos idées des choses sensibles reproduisent ces dernières, en effet. Fermez les yeux, et pensez à cette horloge, là-bas, sur le mur : vous avez bien une copie ou reproduction vraie du cadran. Mais l'idée que vous avez du « mouvement d'horlogerie », à moins que vous ne soyez un horloger, n'est plus […] une copie, bien que vous l'acceptiez comme telle, parce qu'elle ne reçoit de la réalité aucun démenti. Se réduisit-elle à ces simples mots, « mouvement d'horlogeriec », ces mots font pour vous l'office de mots vrais. Enfin, quand vous parlez de l'horloge comme ayant pour « fonction » de « marquer l'heure », ou quand vous parlez de « l'élasticité » du ressort, il est difficile de voir au juste de quoi vos idées peuvent bien être la copie ! – Vous voyez qu'il y a ici un problème. Quand nos idées ne peuvent pas positivement copier leur objet, qu'est-ce qu'on entend par leur « accord » avec cet objet ? Ces conceptions exigent d'être discutées au point de vue pragmatique. – Or, le grand principe des intellectualistes est que la vérité consiste dans une relation toute statique, inerte. Une fois que l'idée vraie d'une chose est en vous, tout est dit. Vous l'avez en votre possession ; vous détenez une connaissance. […]
 Le pragmatisme, lui, pose ici sa question habituelle : « étant admis qu'une idée, qu'une croyance est vraie, quelle différence concrète va-t-il en résulter dans la vie que nous vivons ? De quelle manière cette vérité va-t-elle se réaliser ? Quelles expériences vont se produire, au lieu de celles qui se produiraient si notre croyance était fausse ? » […]
 En posant cette question, le pragmatisme voit aussitôt la réponse qu'elle comporte : les idées vraies sont celles que nous pouvons nous assimiler, que nous pouvons valider, que nous pouvons corroborer de notre adhésion et que nous pouvons vérifier. Sont fausses les idées pour lesquelles nous ne pouvons pas faire cela. Voilà quelle différence pratique il y a pour nous dans le fait de posséder des idées vraies ; et voilà donc ce qu'il faut entendre par la vérité, car c'est là tout ce que nous connaissons sous ce nom !
 Telle est la thèse que j'ai à défendre. La vérité d'une idée n'est pas une propriété qui se trouverait lui être inhérente et qui resterait inactive. La vérité est un événement qui se produit pour une idée. Celle-ci devient vraie ; elle est rendue vraie par certains faits. Elle acquiert sa vérité par un travail qu'elle effectue, par le travail qui consiste à se vérifier elle-même, qui a pour but et pour résultat sa vérification. Et, de même, elle acquiert sa validité en effectuant le travail ayant pour but et pour résultat sa validation. […]
 La méthode pragmatique est avant tout une méthode permettant de résoudre des controverses métaphysiquesd qui pourraient autrement rester interminables. Le monde est-il un ou multiple ? N'admet-il que la fatalité, ou admet-il la liberté ? Est-il matériel ou spirituel ? – Voilà des conceptions dont il peut se trouver que l'une ou l'autre n'est pas vraie ; et là-dessus les débats restent toujours ouverts. En pareil cas, la méthode pragmatique consiste à entreprendre d'interpréter chaque conception d'après ses conséquences pratiques. Voici alors comment elle pose le problème : que telle conception fût vraie, et non telle autre, quelle différence en résulterait‑il pratiquement pour un homme ? Qu'aucune différence pratique ne puisse être aperçue, on jugera que les deux possibilités reviennent au même et que toute discussion serait vaine. Pour qu'une controverse soit sérieuse, il faut pouvoir montrer quelle conséquence pratique est nécessairement attachée à ce fait que telle possibilité est seule vraie.
William James
Le pragmatisme, 1907, trad. N. Ferron,© Flammarion, 2007.

Aide à la lecture

a. James commence par rappeler la définition traditionnelle de la vérité comme correspondance entre le discours et la réalité.
b. Les intellectualistes sont les adversaires de James : ils considèrent les choses d'un point de vue exclusivement théorique, alors que les pragmatistes, comme James, s'intéressent aux conséquences pratiques pour déterminer la réponse à donner à un problème.
c. Par l'exemple du mouvement d'horlogerie, James veut montrer que nous pouvons dire vrai, sans pour autant « copier » par notre discours la chose que nous décrivons. Il n'est pas faux de dire que l'horloge « marque » l'heure, même si cette description ne correspond à aucune réalité de la chose.
d. Par l'expression « controverses métaphysiques  », James fait référence aux débats philosophiques qui cherchent des réponses théoriques à de grands problèmes tels que : l'homme possède-t-il une âme ? Le monde a-t-il un commencement ? Sommes-nous libres ?
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James - XIXe siècle

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Repères

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Question

Une proposition vraie a-t-elle toujours une conséquence pratique sur nos vies ?
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Texte complémentaire
La vérité trace une route dans la réalité

 Nous définissons d'ordinaire le vrai par sa conformité à ce qui existe déjà ; James le définit par sa relation à ce qui n'existe pas encore. Le vrai, selon William James, ne copie pas quelque chose qui a été ou qui est ; il annonce ce qui sera, ou plutôt il prépare notre action sur ce qui va être. […]
 On pourrait, ce me semble, résumer tout l'essentiel de la conception pragmatiste de la vérité dans une formule telle que celle-ci : tandis que pour les autres doctrines une vérité nouvelle est une découverte, pour le pragmatisme c'est une invention. Il ne suit pas de là que la vérité est arbitraire. Une invention mécanique ne vaut que par son utilité pratique. De même, une affirmation, pour être vraie, doit accroître notre empire sur les choses. Elle n'en est pas moins la création d'un certain esprit individuel, et elle ne préexistait pas plus à l'effort de cet esprit que le phonographe, par exemple, ne préexistait à Edison. Sans doute l'inventeur du phonographe a dû étudier les propriétés du son, qui est une réalité. Mais son invention s'est surajoutée à cette réalité comme une chose absolument nouvelle, qui ne se serait peut-être jamais produite s'il n'avait pas existé. […]
 Toute vérité est une route tracée à travers la réalité ; mais, parmi ces routes, il en est auxquelles nous aurions pu donner une direction très différente si notre attention s'était orientée dans un sens différent ou si nous avions visé un autre genre d'utilité ; il en est, au contraire, dont la direction est marquée par la réalité même : il en est qui correspondent, si l'on peut dire, à des courants de réalité.
Henri Bergson
Sur le pragmatisme de William James, 1938.

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