Ce registre accusatoire d'analyse de l'actualité passe facilement pour de l'intelligence dès lors qu'il se revendique de l'« esprit critique ». Il s'adresse aussi bien au politique, à l'interprétation officielle de certains événements historiques (attentats du 11-Septembre, tremblements de terre en Haïti provoqués, d'après certains conspirationnistes, par des armes « sismiques » américaines…) qu'aux innovations technologiques ou aux éléments les plus banals de notre quotidien. Certaines de ces suspicions paraissent, à juste titre, loufoques à nos concitoyens, mais certaines autres, les enquêtes le montrent, creusent leur sillon dans l'opinion. Il ne se passe plus un mois, sans que quelques « donneurs d'alerte », ainsi qu'il arrive qu'ils se nomment parfois, ne nous mettent en garde contre l'air que nous respirons ou ce que nous nous apprêtons à manger.
Ces avertissements incessants créent un embouteillage, des craintes, car les démentir prend du temps (notamment lorsqu'il s'agit de questions sanitaires) : le temps de la science, le temps judiciaire et même celui de l'investigation journalistique ne sont pas celui, effréné, du marché de l'information. En d'autres termes, les arguments du soupçon sont beaucoup plus aisés à produire et rapides à diffuser que ceux qui permettent de renouer les fils d'une confiance si nécessaire à la vie démocratique. […]
On oublie hélas le cimetière gigantesque des suspicions infondées pour ne retenir que celles qui, parfois, touchent leur cible.