Dans la préface de son recueil de poèmes, Arthur Teboul explique sa démarche de poète et la manière dont il écrit.
J'ai longtemps rêvé l'existence, au cœur de nos villes et de nos vies, d'un endroit protégé de la clameur du monde, du bruit et de la fureur, où l'on pourrait faire halte un instant. Un endroit au coin de la rue, à l'abri du tumulte et des regards, où nous attendrait, derrière son bureau, un poète. On passerait sa porte pour s'asseoir un moment face à lui, le temps qu'il nous écrive un poème. Nul n'aurait besoin de parler, notre seule présence suffirait.
On irait là-bas comme on va chez le fleuriste, le coiffeur ou le cordonnier, entre midi et deux ou après le travail. Dans les grandes et les petites occasions. Cet endroit ferait partie de notre quotidien.
J'ai longtemps rêvé cet endroit car j'ai la conviction que nous manquons de poésie dans notre vie de tous les jours. Cette poésie qui se joue de la vitesse et de la gravité, qui ne craint ni l'échec ni l'errance – parce qu'elle les fait siens –, qui nous rappelle que derrière l'habitude tout est encore possible.
Il faut qu'on ait bien peur d'elle pour, si souvent, refuser de la nommer lorsqu'on la rencontre. Pourquoi l'avons-nous reléguée à la périphérie de nos vies ? Je risque une hypothèse : je crois que c'est parce qu'elle met à mal notre souci d'efficacité et notre obsession de la rentabilité. Elle nous ralentit et c'est inconfortable. Mais cet inconfort nous rend alertes. Attentifs. La poésie nous fait entrer ou revenir dans un monde d'attention, et c'est pourquoi nous avons besoin d'elle. Dans notre vie courante.
Alors j'ai voulu cesser de rêver cet endroit, pour le faire naître.
Le 12 mars 2023 au 127, rue de Turenne à Paris, le Déversoir, cabinet de poèmes minute, a pris forme dans la pierre et a ouvert ses portes.