Dans cet essai, Alain Sournia questionne la notion d'instant. Il fait le point sur toutes les disciplines scientifiques qui s'y intéressent, de la littérature à la physique en passant par la philosophie, sans parvenir à la saisir. Il offre une grille de lecture de cet instant insaisissable.
L'instant nous éveille, il nous affranchit momentanément des contraintes que l'évolution anatomique et mentale a imposées, via ce que l'on appelle la conscience, à notre pensée et à notre conduite quotidiennes. Il nous rappelle combien conventionnel est le temps. Comme le disait à des amis le violoniste Albert Einstein qui s'y connaissait en physique : « La séparation entre passé, présent et avenir ne garde que la valeur d'une illusion, si tenace soit-elle. » L'instant nous invite à un regard libre sur le monde, un regard qui soit le plus « englobant » possible sur un monde tout autant réel que virtuel et dans lequel toute dimension, notamment celle du temps, est vaine. Je ne saurais démontrer que la porte est ainsi ouverte à la contemplation et à la joie car ce peut n'être là qu'option personnelle ; et puis nous avons tous connu de ces instants terribles qui font croire au néant. Néanmoins, […] une telle option est disponible.
Il nous éveille, il sait aussi nous réveiller... aux dures nécessités du monde dit macroscopique. Il s'agit alors de cette « étrange entité » que l'on pourrait appeler l'hyper-instant, le méta-instant, etc. : celui qui a prise sur le monde, rompt le charme, fige les potentialités. Parmi celles-ci, il fait un choix. Il fait de la complémentarité une antithèse ; de la simultanéité une succession que notre brillant cerveau transformera promptement en causalité.
N'importe lequel de nos instants, du plus prosaïque1 au plus noble, a quelque chose de temporel et de non temporel, possède une durée et n'en possède pas, met en cause le sujet (le moi pensant) et le laisse de côté, réunit et sépare passé et futur. Apparemment, l'instant accumule les contradictions. C'est donc qu'il heurte la logique.
Banal, commun.