– Comment as-tu appris à jouer ? demanda Qubad.
– Avec Shaheen. Vous ne vous en souvenez pas ? J'ai essayé ensuite de vous inciter à vous y mettre.
– Sauf qu'on n'avait jamais entendu parler de cricket à l'époque », fit
observer Parwaaze.
C'était effectivement Shaheen qui m'a initiée au cricket. Il avait appris
à jouer lors d'un séjour chez des amis à Lahore, pendant des vacances
scolaires. Shaheen n'avait rien d'un athlète - il ne jouait ni au hockey, ni
au football et refusait de lutter avec nous sous prétexte que cela pouvait
salir ses habits –, mais le cricket avait quelque chose de distingué qui lui
plaisait, et n'impliquait pas trop de contacts physiques. Il revint de Lahore
avec une batte, des balles et des gants, et me recruta pour jouer avec lui.
« Ce sera notre secret, me dit-il en me montrant tous ces mystérieux
objets. On jouera dans mon jardin, comme ça personne ne nous verra. Si
tu en parles à qui que ce soit, je ne t'inviterai plus jamais. » Nous habitions
dans la même rue, à six maisons de distance. J'avais huit ans, alors, et je
ne jouais qu'en position de lanceur. Shaheen, lui, prenait un plaisir fou à
frapper la balle dans les coins les plus éloignés du jardin pour que j'aille
ensuite la chercher.
Au bout d'un moment, je finis par devenir excellente au offspin, un
style de lancer à effet où on impulse un mouvement
de rotation à la balle. Je lançai également assez vite,
bien que jamais aussi vite que Shaheen. De retour chez
moi, je m'entraînais à frapper dans une balle accrochée
à la branche d'un arbre, et décidai de consacrer ma
jeune vie à la maîtrise de ce sport.
Si Shaheen m'avait donné mes premières leçons de
cricket, il n'appréciait guère en revanche que je sois
aussi douée.