Le crabe des neiges, un gros crustacé qui évolue au large de l'archipel septentrional norvégien du Svalbard, est au cœur d'une âpre dispute entre l'Union européenne et la Norvège. Sa chair est lucrative pour les pêcheurs européens. Mais plus précieuses encore sont les ressources en pétrole et en gaz sous ses pinces. Ce crabe a été découvert dans les années 90 mais prolifère dans les eaux de l'archipel du Svalbard à partir de 2010. En décembre 2016, l'Union européenne décide d'autoriser seize bateaux de pêche européens, baltes pour la plupart, à y pêcher le précieux crustacé. De quoi rendre furieuse la Norvège.
Un mois plus tard, les garde-côtes norvégiens arrêtent l'équipage du bateau letton Senator alors qu'il pose des pièges à crabes. Depuis, de nombreux autres navires ont été immobilisés et les négociations se poursuivent. [...] « Cette agressivité manifeste n'est pas due à la pêche, mais au gaz et au pétrole », soutient Iván López, président du Conseil consultatif de pêche lointaine, un organisme de conseil auprès des institutions européennes. [...]
Le principal désaccord concerne le traité de Paris, signé en 1920. La souveraineté de l'archipel du Svalbard, qui n'appartenait à personne, est alors confiée à la Norvège. En échange, les autres signataires, une quarantaine de pays dont la France et les États-Unis, obtiennent une « égalité absolue » d'exploitation des ressources de l'archipel, dont la pêche. [...] Mais l'interprétation du traité n'est pas la même à Bruxelles et à Oslo. Les Norvégiens limitent son application à 12 milles marins des côtes, et en excluent le fameux plateau continental, qui n'était pas mentionné dans le traité de l'époque. Ils ignorent ainsi le concept de zone économique exclusive (ZEE), ultérieur au traité, qui donnerait accès aux vaisseaux européens jusqu'à 200 milles des côtes, et sur le plateau continental.