Il y a des lambeaux de territoires… que vous vous appropriez en vous les faisant céder par d'autres qui n'ont pas plus de droit que vous ou que vous faites envahir par vos soldats comme des choses mortes ou insensibles. Et ces territoires, c'est la vie même, c'est le corps et le sang de ces pauvres gens, c'est leur Alsace à eux, c'est leur Lorraine à eux. [...] Je crois que les grands peuples, ceux qui ont le bonheur de posséder des capitaux et des lumières, ceux qui ont le moyen de dompter la nature, d'en faire jaillir les trésors qu'elle recèle, au lieu de s'emparer des terres neuves par la force, ont à leur disposition des moyens autrement sûrs de se procurer les avantages que leur promettent les terres nouvelles, c'est de gagner à eux par leurs lumières, par l'afflux de leurs capitaux, ceux qui occupent ce pays, c'est de se faire ouvrir, en le fécondant, ce monde qui les attend, c'est d'y faire disparaître à la fois la stérilité du sol et la barbarie des âmes. [...]

Et alors que vous protestez si hautement et si énergiquement au nom de votre cœur de Français et d'Alsaciens contre les crimes et les fautes de la conquête en Europe ; alors que vous ne reconnaissez à aucune puissance le droit d'enlever à un autre un seul lambeau de son territoire, c'est‑à‑dire de sa chair nationale, vous prétendez non seulement avoir le droit mais le devoir de dominer, d'asservir, d'exploiter d'autres peuples qui, peut‑être moins avancés que nous dans la civilisation, n'en ont pas moins leur personnalité, leur nationalité comme nous et n'en sont pas moins attachés à leur indépendance et à leur sol natal.