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Histoire 2de

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Histoire, périodisation, représentation du temps
Thème 1 : Le monde méditerranéen : empreinte de l’Antiquité et du Moyen Âge
Ch. 1
La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines
Ch. 2
La Méditerranée médiévale : espace d’échanges et de conflits à la croisée de trois civilisations
Thème 2 : XVᵉ-XVIᵉ : un nouveau rapport au monde, un temps de mutation intellectuelle
Ch. 3
L’ouverture atlantique : les conséquences des « grandes découvertes »
Ch. 4
Renaissance, humanisme et réformes : les mutations de l’Europe
Thème 3 : L’État à l’époque moderne : France et Angleterre
Ch. 6
Le modèle britannique et son influence
Thème 4 : Dynamiques et ruptures dans les sociétés des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles
Ch. 7
Les Lumières et le développement des sciences
Ch. 8
Tensions, mutations et crispations de la société d'ordres
EMC
Axe 1
Des libertés pour la liberté
Axe 2
Garantir les libertés, étendre les libertés : les libertés en débat
Axe 3
Droits, libertés et responsabilité
Livret AP
Biographies
Chapitre 5
Recherche à la loupe

Faire l'histoire de la Saint‑Barthélemy, avec l'historien Jérémie Foa

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Introduction
Le 24 août 1572, jour de la Saint‑Barthélemy, des catholiques massacrent des milliers de protestants à Paris. Des tueries similaires se déroulent ensuite dans plusieurs villes du royaume.
Comment travailler en historien sur ces massacres ?
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Doc. 1
Le massacre de la Saint‑Barthélemy

Placeholder pour Le massacre de la Saint-BarthélemyLe massacre de la Saint-Barthélemy
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François Dubois, Le massacre de la Saint‑Barthélemy, entre 1572 et 1584, Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne.
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En chiffres

3 000 morts à Paris.
Environ 10 000 morts en France.
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Où ?

Paris + de nombreuses villes du royaume.
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Quand ?

Le 24 août 1572 à Paris, durant l'automne dans le royaume.
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Un livre à la loupe

Cet ouvrage est sorti en 2021 aux éditions La Découverte. L'auteur, Jérémie Foa, utilise des sources peu utilisées jusqu'à présent : il s'intéresse aux responsables et aux victimes des tueries, et montre que ces meurtres ont été commis par des voisins sur leurs voisins. Il propose plusieurs portraits de bourreaux ou de victimes. C'est ce qu'on appelle la micro‑histoire : faire de l'histoire à partir d'une échelle d'observation microscopique.

Placeholder pour Tous ceux qui tombent, Jérémie FoaTous ceux qui tombent, Jérémie Foa
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Doc. 2
Le projet du livre

Dans l'introduction, Jérémie Foa précise ses intentions d'historien et ancre son ouvrage dans la « micro-histoire ».

Plutôt qu'une autre histoire de la Saint‑Barthélemy, j'ai voulu faire une histoire des autres dans la Saint‑Barthélemy. Une histoire du petit, du commun, du banal dans un événement qui assurément ne l'est guère. J'ai choisi de l'observer par le bas, au ras du sang, à travers ses protagonistes anonymes, victimes ou tueurs, simples passants et ardents massacreurs, dans leur humaine trivialit. À la rencontre des vies minuscules1, des épingliers, des menusiers, des brodeurs, des tanneurs d'Aubusson, des rôtisseurs, des poissonniers normands, des orfèvres de Lyon et des taverniers de la place Maubert. Comment des hommes ordinaires ont‑ils pu soudain égorger leurs voisins de toujours ?
Jérémie Foa
Tous ceux qui tombent, Visages du massacre de la Saint‑Barthélemy, Éditions La Découverte, 2021. p. 7-8.

1. Allusion au titre d'un roman de Pierre Michon, Vies Minuscules, Gallimard, 1984.
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Doc. 3
Des morts (presque) inconnus

Citer les noms. De ces morts lancés dans la Seine, perdus dans le Rhône. [...] Mais comment agripper celles et ceux dont personne n'a parlé, dont nul n'a, plume à la main, regretté ni même remarqué l'absence ? Ils sont la masse, l'imprononçable nom du massacre. [...] D'eux ne reste qu'une inconsolable dictée à trous : le nommé Kenny aux Trois rois, rue de la Calendre ; le « petit enfant au maillot » traîné par le cou sur les pavés de Paris ; la veuve « nommée Marquette », le « barbier » de la Porte Saint‑Honoré.
Livre cité, p. 213.
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Doc. 4
La morale de l'histoire...

Quinze ans après le massacre, tout est oublié. Partout, les tueurs, leurs amis, leurs familles ont prospéré, gravi les échelons du cursus honorum ; ils sont entourés et honorés de la présence des puissants. Des hommes ordinaires ? Mieux, des hommes respectables. La morale de l'histoire est qu'elle n'en a pas. [...] Non seulement les tueurs de la Saint‑Barthélemy, meurtriers assumés, n'ont été ni jugés ni poursuivis ; non seulement ils ont joui d'une totale amnistie mais ils ont, vingt ans durant, été soutenus choyés, accompagnés, gratifiés par les derniers Valois1. [...] Tous les assassins ou presque sont morts dans leur lit, de belles mort, gâtés d'honneur et d'argent.
Livre cité, p.263‑264.

1. Les rois de France qui règnent à cette époque.
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Questions
1. Doc. 1 Relevez la manière dont ce tableau représente la Saint‑Barthélemy.

2. Doc. 1 Faites une hypothèse : l'auteur de ce tableau est‑il catholique ou protestant ? Justifiez votre réponse.

3. Doc. 2 Expliquez pourquoi l'historien dit qu'il a fait une une « histoire du petit, du commun, du banal ».

4. Doc. 3 Pourquoi Jérémie Foa parle‑t‑il d'une « dictée à trous » ?

5. Doc. 4 Expliquez ce que deviennent les bourreaux de la Saint‑Barthélemy.
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Jérémie Foa : l'interview

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Jérémie Foa est historien professionnel : il est maître de conférences à l'Université d'Aix‑Marseille. Spécialiste des guerres de religion en France, il a écrit plusieurs articles et ouvrages sur ces questions.
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Ressource numérique

Retrouvez un où Jérémie Foa parle de son livre.
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1
Comment est né ce projet ?

Il est né de mon inscription dans le courant micro‑historique, en partant du constat que tous les livres existants sur la Saint‑Barthélemy s'intéressaient aux décisions du roi et aux victimes connues. Mais rien n'existait concernant les « vies minuscules ». J'ai donc voulu faire une histoire, non pas « vue d'en haut », mais une histoire « vue d'en bas ». Les grands du monde, les aristocrates, les hommes ont plus de place dans les récits que les minoritaires, que les femmes, que les jeunes. Je voulais donc donner la lumière à tous ceux dont on ne parle jamais.
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2
Quelles ont été les sources sur lesquelles vous vous êtes appuyé ?

En grande partie jusqu'à présent, les historiens et les historiennes qui avaient travaillé sur la Saint‑Barthélemy avaient travaillé sur des imprimés, des livres publiés par des témoins de l'époque. Or, au XVIe siècle, les gens qui lisent et qui écrivent sont très minoritaires : ce sont donc des bourgeois et des aristocrates qui s'intéressent aux bourgeois et aux aristocrates. Il fallait donc que je trouve des archives du quotidien qui parlent de l'homme et de la femme lambda du XVIe : j'ai donc eu l'idée de m'intéresser aux archives des notaires. En effet, au XVIe siècle, on va beaucoup chez le notaire : pour régler son loyer, pour payer son apprentissage, etc. Il y a 80 notaires en activité à Paris à l'été 1572. J'ai donc dépouillé tous les cartons des notaires recensés entre le 15 août 1572 et la fin du mois de septembre. Ce sont des archives conservées à Paris, au Centre d'accueil et de recherche des archives nationales. J'ai travaillé sur 3 ou 4 cartons d'archives par notaire, puis j'ai fait la même chose dans plusieurs grandes villes (Toulouse, Rouen, Bordeaux). Je me suis demandé si, dans ces archives du quotidien, de l'ordinaire, on voyait surgir la Saint‑Barthélemy.
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Qu'avez‑vous découvert ?

La plupart des archives produits à l'été 1572 ne parlent pas du massacre mais j'ai trouvé quelques pépites qui m'ont permis d'écrire ce livre. Certaines personnes allaient ainsi devant notaire pour certifier qu'elles avaient vu des personnes mourir lors du massacre. Car avec de nombreuses victimes jetées la Seine ou dans des fosses communes, le massacre pose un grand problème en termes d'héritage et de succession. On trouvait donc devant notaire l'œil des témoins.
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Vous dites que, dans vos sources, le massacre est finalement peu abordé de façon directe. Qu'en déduire ?

Qu'est‑ce que ça veut dire d'acheter un cheval le 25 août 1572 ? Qu'est‑ce que cela veut dire de placer son enfant en apprentissage quand, dans votre rue, des gens se font égorger ? Cela signifie‑t‑il que ces gens étaient indifférents au sort de leurs voisins ? Peut‑on avoir un jugement moral ? Je propose une lecture plus généreuse : pour eux, c'est une façon de ne pas rentrer dans le massacre. Je pense que mon travail est un témoignage sur le fait qu'une grande masse de Parisiens n'ont pas massacré leurs voisins. On a affaire à des Parisiens ordinaires qui ne sont pas des héros.
Dans ces archives de l'ordinaire, on voit qu'il y a plusieurs attitudes possibles. Même dans un événement aussi violent que la Saint‑Barthélemy, demeure toujours aux êtres humains une marge de liberté. On peut ne pas être un tueur : cela veut dire qu'on choisit aussi d'être un tueur. Ce que montrent ces archives, c'est l'infini dégradé entre le fait de choisir de tuer ses voisins et le fait de les sauver. On y trouve ainsi également des faux témoignages de catholiques en faveur de leurs voisins protestants.
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L'objet de vos recherches est tragique. Est‑on affecté quand on travaille sur un sujet comme celui‑ci ?

C'est effectivement douloureux de travailler sur un tel sujet mais c'est aussi une façon de mettre à distance des douleurs qui seraient plus vives encore si on étudiait des tragédies du XXe siècle. En tant qu'historien, je me sens blessé par des tragédies du XXe siècle : le génocide en ex‑Yougoslavie, celui des Tutsi au Rwanda ou la Shoah. Finalement, peut‑être que ce travail sur la persécution des protestants est une façon de ne pas travailler sur la persécution des Juifs, de mettre un peu de distance par rapport à un sujet qui serait trop proche pour moi qui suis issu d'une famille de tradition juive, ou de travailler sur le même sujet, la persécution des minorités, mais sans travailler directement sur des sujets trop douloureux. Le XVIe siècle n'est qu'un prétexte pour poser des questions fondamentales pour l'humanité qui me viennent des grandes tragédies du XXe siècle : comment vit‑on avec son voisin ou comment cesse‑t‑on de vivre avec son voisin ? Comment des hommes ordinaires en viennent à tuer d'autres hommes ordinaires ? Le XVIe siècle est un objet qui me permet de poser des questions. Si on n'écrit pas l'histoire de la Saint‑Barthélemy en 2021 comme en 1950 ou en 1850, c'est parce que les hommes et les femmes qui l'écrivent en 2020 sont traversés par des épisodes historiques qui ne sont pas ceux de leurs prédécesseurs. Mieux vaut assumer, donner à voir notre subjectivité pour qu'elle soit critiquable : je dis d'où j'écris.
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6
Un parcours qui vous a touché ?

Il y a dans mon livre un personnage qui s'appelle Louis Chesneau et qui est professeur d'hébreu à Paris ; c'est un grand savant protestant. C'est l'un des personnages de la Saint‑Barthélemy encore largement ignoré comme victime de l'événement. J'ai trouvé une source incroyable dans les archives : des hommes témoignent devant notaire en disant qu'ils ont vu son cadavre au pied de son collège le dimanche 24 août 1572. Ces hommes qui témoignent ne le font pas par grandeur d'âme mais parce qu'ils veulent prendre sa succession à la tête du collège de Presles. Finalement, les bourreaux ou amis des bourreaux sont allés devant notaire aider l'historien que je suis ! Vous aurez compris que ce personnageème touche particuli rement car c'est un personnage d'universitaire, de professeur, qui est victime de la haine de l'époque, de la haine des minorités religieuses, de la haine des intellectuels. Il meurt en même temps que son ami philosophe Pierre Ramus, jeté par la fenêtre et décapité. Pour moi, l'image d'un enseignant décapité par ses convictions est entrée en résonance avec le destin de notre collègue historien Samuel Paty.

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