À partir d'Henri IV, les rois de France choisissent régulièrement une ou plusieurs maîtresses officielles. Ces femmes reçoivent alors une position particulière à la cour. On a souvent raconté leurs parcours amoureux, la manière dont elles gagnent ou perdent la faveur royale, mais les recherches récentes montrent qu'elles jouent également un rôle politique majeur, tout en éclairant le fonctionnement du pouvoir royal à l'époque moderne.

Quelle place particulière les maîtresses royales occupent‑elles dans la société de cour ?

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Un livre à la loupe

Dans Les maîtresses du roi. De Henri IV à Louis XIV (Champ Vallon), publié en 2020, l'historienne Flavie Leroux cherche à montrer que les maîtresses royales ont joué un rôle important dans le fonctionnement de la monarchie.

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Doc. 1
Choisir une maîtresse

Il est d'abord fondamental de noter que toutes [les maîtresses] ont un point commun, au départ : l'origine sociale. En effet, entre 1589 et 1715, toutes les femmes choisies comme maîtresse par un roi appartiennent préalablement à un lignage noble. [...] Les femmes désignées [comme maîtresses] appartiennent préalablement aux réseaux qui touchent le souverain au plus près, en somme à sa cour (au sens premier du terme), répondant ainsi à une logique utilitaire (la proximité dans l'espace) mais aussi sociale (élite qui gravite autour du prince).

Flavie Leroux

livre cité, p. 16-24.

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Doc. 2
La « favorite royale », une position de pouvoir

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Tableau anonyme, Madame de Montespan représentée comme la déesse Iris, v. 1670.

Madame de Montespan devient la maîtresse officielle de Louis XIV en 1667. Elle lui donne 7 enfants, avant de perdre la faveur du roi vers 1680.

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Doc. 3
Les maîtresses reçoivent des cadeaux du roi

[Les maîtresses d'Henri IV] reçoivent ainsi des sommes considérables qui dépassent parfois le million de livres. [...] Mais ce chiffre, même considérable, reste encore loin derrière ceux des dépenses militaires.

Flavie Leroux

livre cité, p. 43

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Doc. 4
Des femmes souvent moquées

Ce poème se moque de la marquise de Pompadour, maîtresse officielle du roi Louis XV, souvent appelée par dérision Madame Poisson pour rappeler ses origines bourgeoises.

Une petite bourgeoise,
Élevée à la grivoise,
Mesurant tout à sa toise,
Fait de la cour un taudis ;
Le Roi, malgré son scrupule, Pour elle follement brûle ;
Cette flamme ridicule
Excite dans tout Paris, ris, ris, ris.

Pont de Veyle

Les poissonades, 1749.

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Doc. 5
Les maîtresses, soutiens de leur famille

On a souvent accusé les maîtresses d'utiliser leur place auprès du roi pour « placer » les membres de leurs familles à des postes avantageux. L'historienne montre que la réalité est plus complexe.

Il est souvent délicat d'attribuer entièrement aux maîtresses la responsabilité de l'avancement de leurs parents. [...] Pour les parents déjà dans la carrière, elles jouent surtout un rôle de catalyseur, requérant des nominations plus hautes ; pour ceux encore à établir, elles jouent plutôt un rôle de propulseur, en obtenant une première charge - précédent sur lequel il est ensuite possible de s'appuyer pour s'élever.

Flavie Leroux

livre cité, p. 283.

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Doc. 6
Perdre la faveur du roi

Le roi change régulièrement de maîtresse : on dit alors que la précédente entre en « défaveur ».

La disgrâce pour la maîtresse royale n'en est pas forcément une pour la mère. Perdre la faveur du roi amène à perdre sa place à la cour et auprès des ¹ royaux, mais pas les dons faits par le passé, ni les revenus payés sur le trésor. La situation est donc loin d'être dramatique, en particulier pour les femmes qui ont une descendance indépendamment du monarque. Bien au contraire : l'éloignement de la cour conjugué à la perpétuation de la fortune amène à une plus grande liberté, qui permet aux anciennes maîtresses de faire sortir de l'emprise du roi une partie de la richesse cumulée grâce à ses ².

Flavie Leroux

livre cité, p. 243.

1. Enfants que le roi a avec une maîtresse (enfants illégitimes, qui ne peuvent pas devenir rois à leur tour).
2. Cadeaux.

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Questions

1. De quel milieu social viennent les maîtresses ?

2. Présentez et décrivez ce document.

3. Montrez comment le roi manifeste sa faveur envers ses maîtresses.

4. Soulignez les réactions critiques que la place des maîtresses peut nourrir.

5. et Identifiez le rôle politique et économique que les maîtresses peuvent jouer. Qui aident‑elles en priorité ?

Synthèse

Seul(e) ou en binôme, choisissez l'une des maîtresses royales de la période et réalisez une petite fiche biographique pour la présenter : nom, origine sociale, date à laquelle elle devient maîtresse, nombre d'enfants, date à laquelle elle perd la faveur du roi.

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Flavie Leroux : l'interview

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Docteure en histoire moderne, Flavie Leroux a consacré sa thèse aux maîtresses royales à l'époque moderne. Elle travaille au Centre de Recherches du Château de Versailles.
Son livre, publié en 2020, s'intitule Les maîtresses du roi. De Henri IV à Louis XIV (Champ Vallon). L'objectif de ces recherches est de montrer que les maîtresses royales ont joué un rôle important dans le fonctionnement de la monarchie.

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1
Pourquoi avoir choisi un tel sujet ?

Je travaille sur cette question depuis bientôt dix ans. À l'époque, ce sujet se rattachait au romanesque : les livres racontaient les intrigues des maîtresses. Mais on avait l'impression que ces personnages féminins avaient un rôle secondaire, alors qu'il me semblait qu'ils étaient plus importants que cela. Les nombreux livres sur les maîtresses proposent toujours la même histoire : selon moi, il y avait autre chose à dire.

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2
Question naïve, mais : à l'époque, le roi est catholique, il est censé rester fidèle à sa femme, la reine. Pourquoi a‑t‑il le droit de prendre des maîtresses ? Est‑ce que cela n'est pas mal vu ?

Cette question met le doigt sur une contradiction difficile à comprendre : le roi de France, « roi très chrétien », prend des maîtresses et surtout les assume publiquement ! Il faut savoir que ce n'est pas nouveau : le roi a des maîtresses depuis Charles VII (1422‑1461), donc on accepte car c'est devenu un usage. Il faut également noter qu'à l'époque on est beaucoup plus indulgent envers l'adultère masculin que féminin : le roi étant un homme, et même le premier homme du royaume, il est difficile de contester ses comportements. Cependant, il y a quand même eu des critiques, venant notamment d'hommes d'Église proches du roi.

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Charlotte des Essarts (maîtresse d'Henri IV).

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3
Quelles sources pour travailler sur les maîtresses royales ?

Pour faire l'histoire des maîtresses, on utilise le plus souvent les mêmes sources : des sources écrites par des personnes qui étaient à la cour et qui ont pu voir et connaître les maîtresses. Ce sont des témoignages directs mais jamais objectifs. De mon côté, j'ai voulu aller voir d'autres types de sources : des documents de la vie de tous les jours, par exemple des actes par lesquels une maîtresse achète un bien, des lettres, des actes judiciaires, des sources financières, etc.

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4
Vous insistez sur le fait que le roi ne choisit que des maîtresses nobles, appartenant à des familles proches de lui. Est-ce que cela veut dire que le roi ne peut pas choisir qui il veut ?

Eh non, le roi ne peut pas choisir qui il veut ! Il peut avoir des relations amoureuses ou sexuelles avec qui il souhaite. Néanmoins pour faire d'une de ses amantes une maîtresse, c'est‑à‑dire quelqu'un que le roi va élever socialement et assumer publiquement pendant une certaine durée, il faut que la personne soit noble.

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5
Comment le roi manifeste‑t‑il sa faveur envers ses maîtresses ?

Le roi remet une pension à sa maîtresse, une somme d'argent versée régulièrement et généralement assez élevée. Il ajoute souvent d'autres sommes d'argent, plus importantes, versées ponctuellement, par exemple si la maîtresse tombe enceinte ou a besoin de s'acheter des vêtements. Le roi peut également exprimer sa faveur par des moyens symboliques, en emmenant sa maîtresse lors d'un voyage ou d'une chasse par exemple.

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6
On accuse souvent les maîtresses d'être des « manipulatrices », tirant les ficelles pour combler leur famille de richesses et d'honneurs. Est‑ce que c'est vrai ?

C'est vrai, mais cependant, il faut rester prudent. Cette idée émerge des contemporains qui fréquentent la cour et qui souvent nous disent que la maîtresse exerce un pouvoir. Par exemple, ils vont constater que le frère d'une maîtresse va obtenir un poste plus important, et ils vont déduire que c'est grâce à l'intervention de la maîtresse. Mais le problème c'est que l'on n'a pas de sources directes prouvant cette intervention ! À un niveau politique, on a beaucoup exagéré le rôle des maîtresses : elles ont bien un pouvoir, elles peuvent aider les membres de leur famille à bien se marier ou à obtenir des places dans l'armée ou à la cour, mais en réalité elles n'ont pas réellement de rôle politique.

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7
Les maîtresses participent‑elles à l'éducation des bâtards qu'elles ont avec le roi ?

Oui, elles participent à l'éducation de leurs enfants. Il n'est jamais question pour le roi de faire de ses bâtards les héritiers du royaume, ce qui n'est pas possible, mais il leur assure une éducation princière. Et la mère obtient la « garde noble », c'est‑à‑dire la responsabilité juridique pour gérer les biens de ses enfants.

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Château de Maintenon, domaine de l'une des plus célèbres maîtresses de Louis XIV.

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Comprendre le rôle des maîtresses du roi

Un livre à la loupe

Doc. 1Choisir une maîtresse

Doc. 2La « favorite royale », une position de pouvoir

Doc. 3Les maîtresses reçoivent des cadeaux du roi

Doc. 4Des femmes souvent moquées

Doc. 5Les maîtresses, soutiens de leur famille

Doc. 6Perdre la faveur du roi

Flavie Leroux : l'interview

1Pourquoi avoir choisi un tel sujet ?

2Question naïve, mais : à l'époque, le roi est catholique, il est censé rester fidèle à sa femme, la reine. Pourquoi a‑t‑il le droit de prendre des maîtresses ? Est‑ce que cela n'est pas mal vu ?

3Quelles sources pour travailler sur les maîtresses royales ?

4Vous insistez sur le fait que le roi ne choisit que des maîtresses nobles, appartenant à des familles proches de lui. Est-ce que cela veut dire que le roi ne peut pas choisir qui il veut ?

5Comment le roi manifeste‑t‑il sa faveur envers ses maîtresses ?

6On accuse souvent les maîtresses d'être des « manipulatrices », tirant les ficelles pour combler leur famille de richesses et d'honneurs. Est‑ce que c'est vrai ?

7Les maîtresses participent‑elles à l'éducation des bâtards qu'elles ont avec le roi ?

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Doc. 1
Choisir une maîtresse

Doc. 2
La « favorite royale », une position de pouvoir

Doc. 3
Les maîtresses reçoivent des cadeaux du roi

Doc. 4
Des femmes souvent moquées

Doc. 5
Les maîtresses, soutiens de leur famille

Doc. 6
Perdre la faveur du roi

1
Pourquoi avoir choisi un tel sujet ?

2
Question naïve, mais : à l'époque, le roi est catholique, il est censé rester fidèle à sa femme, la reine. Pourquoi a‑t‑il le droit de prendre des maîtresses ? Est‑ce que cela n'est pas mal vu ?

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Quelles sources pour travailler sur les maîtresses royales ?

4
Vous insistez sur le fait que le roi ne choisit que des maîtresses nobles, appartenant à des familles proches de lui. Est-ce que cela veut dire que le roi ne peut pas choisir qui il veut ?

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Comment le roi manifeste‑t‑il sa faveur envers ses maîtresses ?

6
On accuse souvent les maîtresses d'être des « manipulatrices », tirant les ficelles pour combler leur famille de richesses et d'honneurs. Est‑ce que c'est vrai ?

7
Les maîtresses participent‑elles à l'éducation des bâtards qu'elles ont avec le roi ?