Mais l'inégalité des traitements réservés aux
vainqueurs et aux vaincus n'est pas, loin de là,
le seul exemple d'une injustice systématique
dans la vie W. Ce qui fait toute l'originalité
de W, ce qui donne aux compétitions ce piment unique qui fait qu'elles
ne ressemblent à aucune autre, c'est que, précisément, l'impartialité des
résultats proclamés, dont les Juges, les Arbitres et les Chronométreurs sont,
dans l'ordre respectif de leurs responsabilités, les implacables garants, y est
fondée sur une injustice organisée, fondamentale, élémentaire, qui, dès
le départ, instaure parmi les participants d'une course ou d'un concours
une discrimination qui sera le plus souvent décisive.
Cette discrimination institutionnelle est l'expression d'une politique
consciente et rigoureuse. Si l'impression dominante que l'on retire du
spectacle d'une course est celle d'une totale injustice, c'est que les Officiels
ne sont pas opposés à l'injustice. Au contraire, ils pensent qu'elle est le
ferment le plus efficace de la lutte et qu'un Athlète ulcéré, révolté par l'arbitraire
des décisions, par l'iniquité des arbitrages, par les abus de pouvoir,
les empiétements, le favoritisme presque exagéré dont font preuve à tout
instant les Juges, sera cent fois plus combatif qu'un Athlète persuadé qu'il
a mérité sa défaite. Il faut que même le meilleur ne soit pas sûr de gagner ; il faut que même le plus faible ne soit pas sûr de perdre.
Il faut que tous deux risquent autant, attendent avec le même espoir
insensé la victoire, avec la même terreur indicible la défaite.
La mise en pratique de cette politique audacieuse a abouti à toute une
série de mesures discriminatoires que l'on peut, grossièrement, classer en
deux groupes principaux : les premières, que l'on pourrait appeler officielles, sont annoncées au début des réunions ; elles consistent généralement en des handicaps, positifs ou négatifs, qui sont imposés, soit à des Athlètes, soit à des équipes, soit même, parfois, à tout un village.