Par chance, j'avais accès à l'OASIS. C'était comme une issue de secours qui donnait sur une réalité meilleure. Si je n'ai pas sombré dans la folie, c'est grâce à l'OASIS. C'était mon terrain de jeu et mon jardin d'enfants, un lieu magique où tout était possible.
Mes souvenirs de gamin les plus heureux sont liés à l'OASIS. Lorsque ma mère n'était pas contrainte de travailler, on se connectait simultanément et on jouait à des jeux ou à des aventures romanesques interactifs. Il fallait qu'elle me force à me déconnecter tous les soirs, car je ne voulais jamais revenir à la réalité. Le monde réel, c'était vraiment trop nul.
Je n'ai jamais reproché à ma mère la situation dans laquelle on vivait. Elle était victime du destin et de circonstances cruelles, comme tout le monde. Cela avait été d'autant plus dur pour ceux de sa génération, qui étaient nés dans un monde où régnait l'abondance pour le voir s'évanouir peu à peu sous leurs yeux. Je me rappelle surtout que ça me faisait de la peine pour elle. Elle était tout le temps déprimée, et la seule chose qu'elle appréciait vraiment, c'était la drogue. Évidemment, c'est ce qui avait fini par l'achever. J'avais onze ans lorsqu'elle s'est injecté un mauvais cocktail dans le bras et qu'elle est morte sur notre canapé‑lit miteux en écoutant de la musique sur le vieux lecteur de MP3 que je lui avais offert lors du Noël précédent, après l'avoir réparé. [...]
L'année qui avait suivi la mort de ma mère, j'avais passé pas mal de temps à m'apitoyer sur mon sort, englué dans le désespoir. J'essayais de voir le bon côté des choses, de garder à l'esprit que, orphelin ou non, je vivais mieux que la plupart des gamins d'Afrique, d'Asie, et même d'Amérique du Nord. J'avais toujours eu un toit au‑dessus de la tête et largement de quoi me nourrir. Et puis j'avais l'OASIS. Ma vie n'était pas si terrible. C'est du moins ce que je me répétais en vain, pour dissiper le sentiment de solitude que j'éprouvais désormais.
C'est ensuite que la chasse à l'œuf1 de Pâques de Halliday a commencé, et je crois bien que c'est ce qui m'a sauvé. Soudain, j'avais trouvé un rêve qui valait la peine d'être poursuivi. Au cours des cinq dernières années, la Chasse m'avait donné un but dans la vie. Une quête à accomplir. Une raison de me lever le matin. Quelque chose à espérer.
À partir du moment où je me suis mis à chercher l'œuf, l'avenir m'a semblé nettement moins morose.
À sa mort, le créateur du jeu, devenu l'homme le plus riche du monde, a laissé une vidéo dans laquelle il a annoncé qu'il lèguera toute sa fortune à celui qui trouvera « l'œuf de Pâques » caché.