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Méthode Bac
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Révisions
Thème 1
Lecture 1/5

Le rocher de l'Homme

L'absurde

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Texte

Pour avoir osé défier les dieux, Sisyphe est condamné à faire rouler un rocher vers le haut d'une colline pour l'éternité. Dans cet essai philosophique, Albert Camus utilise la figure mythologique de Sisyphe pour définir l'absurde.

Si ce mythe est tragique, c'est que son héros est conscient. Où serait en effet sa peine, si à chaque pas l'espoir de réussir le soutenait ? L'ouvrier d'aujourd'hui travaille, tous les jours de sa vie, aux mêmes tâches et ce destin n'est pas moins absurde. Mais il n'est tragique qu'aux rares moments où il devient conscient. Sisyphe, prolétaire des dieux, impuissant et révolté, connaît toute l'étendue de sa misérable condition : c'est à elle qu'il pense pendant sa descente. La clairvoyance qui devait faire son tourment consomme du même coup sa victoire. Il n'est pas de destin qui ne se surmonte par le mépris. [...]
On ne découvre pas l'absurde sans être tenté d'écrire quelque manuel du bonheur. « Eh ! quoi, par des voies si étroites... ? » Mais il n'y a qu'un monde. Le bonheur et l'absurde sont deux fils de la même terre. Ils sont inséparables. L'erreur serait de dire que le bonheur naît forcément de la découverte absurde. Il arrive aussi bien que le sentiment de l'absurde naisse du bonheur. « Je juge que tout est bien », dit Œdipe, et cette parole est sacrée. Elle retentit dans l'univers farouche et limité de l'homme. Elle enseigne que tout n'est pas, n'a pas été épuisé. Elle chasse de ce monde un dieu qui y était entré avec l'insatisfaction et le goût des douleurs inutiles. Elle fait du destin une affaire d'homme, qui doit être réglée entre les hommes. Toute la joie silencieuse de Sisyphe est là. Son destin lui appartient. Son rocher est sa chose. De même, l'homme absurde, quand il contemple son tourment, fait taire toutes les idoles. Dans l'univers soudain rendu à son silence, les mille petites voix émerveillées de la terre s'élèvent. Appels inconscients et secrets, invitations de tous les visages, ils sont l'envers nécessaire et le prix de la victoire. Il n'y a pas de soleil sans ombre, et il faut connaître la nuit. L'homme absurde dit oui et son effort n'aura plus de cesse. S'il y a un destin personnel, il n'y a point de destinée supérieure ou du moins il n'en est qu'une dont il juge qu'elle est fatale et méprisable. Pour le reste, il se sait le maître de ses jours. À cet instant subtil où l'homme se retourne sur sa vie, Sisyphe, revenant vers son rocher, contemple cette suite d'actions sans lien qui devient son destin, créé par lui, uni sous le regard de sa mémoire et bientôt scellé par sa mort. Ainsi, persuadé de l'origine tout humaine de tout ce qui est humain, aveugle qui désire voir et qui sait que la nuit n'a pas de fin, il est toujours en marche. Le rocher roule encore.
Albert Camus
Le Mythe de Sisyphe, 1942, © Éditions Gallimard, 1990.

Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe

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Albert Camus

(1913-1960)
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Écrivain français engagé, né en Algérie. Il intègre la Résistance en 1940. Il est un auteur majeur de la philosophie de l'absurde, à travers des œuvres qui constituent le « Cycle de l'absurde » (Le Mythe de Sisyphe, L'Étranger et Caligula).
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Placeholder pour Franz von Stuck, Sisyphe, 1920, peinture à l'huile, 103 x 89 cm, galerie Ritthaler, Hambourg, Allemagne.Franz von Stuck, Sisyphe, 1920, peinture à l'huile, 103 x 89 cm, galerie Ritthaler, Hambourg, Allemagne.
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Franz von Stuck, Sisyphe, 1920, peinture à l'huile, 103 x 89 cm, galerie Ritthaler, Hambourg, Allemagne.
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Questions
1. Relevez et analysez ce qui relève de la conscience (champ lexical, expressions, métaphores). Quel sens cela donne‑t‑il à cet extrait ?

2. Quel lien Camus établit‑il entre l'absurde et le bonheur ?

3. À partir des réponses précédentes, formulez une définition de l'absurde.
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