BÉRENGER. – Parlez plus distinctement. Je ne comprends pas. Vous articulez mal.
JEAN, toujours de la salle de bains. – Ouvrez vos oreilles !
BÉRENGER. – Comment ?
JEAN. – Ouvrez vos oreilles. J'ai dit : pourquoi ne pas être rhinocéros ? J'aime les changements.
BÉRENGER. – De telles affirmations venant de votre part... (Bérenger s'interrompt, car Jean fait une apparition effrayante. En effet, Jean est devenu tout à fait vert. La bosse de son front est presque devenue une corne de rhinocéros.) Oh ! vous semblez vraiment perdre la tête ! (Jean se précipite vers son lit, jette les couvertures par terre, prononce des paroles furieuses et incompréhensibles, fait entendre des sons inouïs.) Mais ne soyez pas si furieux, calmez-vous ! Je ne vous reconnais plus.
JEAN, à peine distinctement. – Chaud... trop chaud. Démolir tout cela, vêtements, ça gratte, vêtements, ça gratte.
Il fait tomber le pantalon de son pyjama.
BÉRENGER. – Que faites-vous ? Je ne vous reconnais plus ! vous, si pudique d'habitude !
JEAN. – Les marécages ! les marécages !
[...]
BÉRENGER. – Oh ! votre corne s'allonge à vue d'œil !... Vous êtes rhinocéros !
JEAN, dans la salle de bains. – Je te piétinerai, je te piétinerai.
Grand bruit dans la salle de bains, barrissements, bruits d'objets et d'une glace qui tombe et se brise ; puis on voit apparaître Bérenger tout effrayé qui ferme avec peine la porte de la salle de bains, malgré la poussée contraire que l'on devine.
BÉRENGER, poussant la porte. – Il est rhinocéros, il est rhinocéros ! (Bérenger a réussi à fermer la porte. Son veston est troué par une corne. Tandis que la porte s'ébranle sous la poussée continuelle de l'animal, et que le vacarme dans la salle de bains continue, Bérenger se précipite vers la porte de droite.) Jamais je n'aurais cru ça de lui ! (Il ouvre la porte donnant sur l'escalier, et va frapper à la porte sur le palier, à coups de poing répétés.) Vous avez un rhinocéros dans l'immeuble ! Appelez la police !