Monsieur le président, Mesdames, Monsieur du tribunal.
Ce 21 septembre 2001, dans le fracas de l'explosion, dans le panache de fumée jaune qui s'élève, dans les regards hagards, dans les corps meurtris et les vies brisées, l'indicible2 est en marche. C'est l'indicible commun à toute catastrophe. Le téléphone qui sonne chez les familles de victimes, les flashs d'informations qui précèdent la décence due à ces vies qui s'éteignent, le chaos et le néant. Cette cohorte3 de souffrance s'est emparée du prétoire4.
Elle touche au plus profond du cœur, de l'âme, de la conscience. Elle transforme cet espace en silence. Seule musique d'apaisement et de dignité, car les mots, nos mots, ne font souvent que trop de bruit. Pourtant, si la justice pénale siège depuis quatre mois (et après des années d'instruction), ce n'est pas pour transformer le tribunal en enceinte de la seule expression de la souffrance, vague de l'émotion qui écarterait toute réflexion et toute discussion juridique. [...]
À travers votre décision, vous direz à tous, et à nos enfants de demain, que l'abstention, la bêtise, l'incompétence, l'absence de formation des hommes, l'absence de sécurité adossée sur une culture de l'analyse des risques, la rentabilité souvent privilégiée, tuent.
Ici, comme ailleurs, il serait insupportable d'entendre que la catastrophe, c'est « la faute à pas de chance », à la fatalité, à d'autres, ou encore que le risque zéro n'existera jamais.
Salle d'audience du tribunal.