Introduction : | |
Présentation et contextualisation de l'œuvre : date, contexte historique ou littéraire, auteur, genre. Titre de l'œuvre souligné. | Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, le roman ne croit plus à la conception traditionnelle du héros. Loin des personnages dotés d'une forte personnalité et incarnant de grandes valeurs, les romanciers veulent désormais représenter des êtres sans qualités, prisonniers d'une vie sans relief. D'ailleurs, en sous‑titrant Madame Bovary « Mœurs de Province », Gustave Flaubert inscrit la vie de son héroïne, Emma Bovary, jeune femme romantique mal mariée, victime de ses rêves illusoires de bonheur et d'élévation, dans un cadre social et géographique certes précis mais surtout plat, banal et propice à la bêtise humaine. Or, dans une lettre adressée à Louise Colet en date du 12 septembre 1853, Flaubert déclare à propos de son travail d'écriture du roman vouloir « bien écrire le médiocre » ; l'écrivain s'attacherait donc à rendre compte, par son œuvre, d'une réalité moyenne, à travers la peinture de personnages ou d'évènements sans importance. Bien loin d'idéaliser la condition humaine, G. Flaubert chercherait ainsi à décrire ce qui a peu de valeur, à faire œuvre à partir du commun, de l'ordinaire. Le roman Madame Bovary s'inscrit‑il pleinement dans cette perspective ? La peinture de cette réalité décevante n'est‑elle pas élevée par les exigences formelles de l'auteur ? Nous verrons d'abord que l'écrivain a su peindre une vie en province, ordinaire, triviale, qui n'exclut pas la laideur morale et matérielle. Nous montrerons cependant que le romancier a su transfigurer cette médiocrité par sa sensibilité propre et un travail incessant sur le style. |
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Rappel et reformulation du sujet : citation reprise. Explication des termes du sujet. Problématique : questions directes. Annonce du plan : plan dialectique en deux grandes parties. |
Première grande partie (I) : | |
Première réponse au sujet. | La représentation du « médiocre » dans le roman correspond à la peinture d'après nature d'une existence provinciale banale et sans issue. |
Première sous‑partie (A) : | |
Formulation de l'argument 1. | Le roman offre d'abord un tableau réaliste des mœurs provinciales d'une époque. En effet, Flaubert opte pour un sujet banal en s'inspirant d'un fait divers, l'affaire Delamare, dont il a repris les différents éléments : le cadre spatial, la Normandie, le personnage de l'officier de santé, l'endettement de la seconde épouse et son suicide. Le roman est ainsi la simple histoire d'une provinciale adultère qui s'endette et finit par se suicider. Le seul événement qualifié d'extraordinaire qui vient bousculer la vie de l'héroïne est un bal chez des aristocrates à la Vaubyes-sard : l'atmosphère de la fête, le grand monde qu'Emma y rencontre, les plaisirs de la danse constituent un éclair éphémère de bonheur qui efface momentanément un passé qu'elle souhaiterait révolu. De plus, Flaubert s'attache à capter la réalité quotidienne d'une petite ville de province : le roman y fustige le règne de l'argent, la ruralité, la domination de la petite bourgeoisie, l'éducation des filles et la condition de la femme mariée. Enfin, aucun sujet n'est bas ou vulgaire et Flaubert n'hésite pas à montrer l'adultère, la maladie nerveuse de son héroïne, l'échec d'une opération du pied-bot, la tentative d'Homais pour soigner l'aveugle, le suicide à l'arsenic d'Emma. Flaubert refuse ainsi à son récit toute idéalisation. |
Deuxième sous‑partie (B) : | |
Formulation de l'argument 2. | En outre, le romancier fait le choix de représenter des personnages médiocres. Ainsi, le mari, Charles, n'est qu'officier de santé, présenté dès l'incipit comme « ridicule », à l'image de sa casquette, et dont la conversation est « plate comme un trottoir de rue » ; il est d'ailleurs pour Emma un « pauvre homme ! ». Charles Bovary est un anti‑héros, un être inadapté à la vie sociale, incapable d'évolution professionnelle. Les amants d'Emma incarnent également cette même médiocrité : Rodolphe n'est qu'un hobereau, un avatar dégradé et médiocre de Dom Juan, un séducteur cynique qui, dans la scène des comices agricoles, séduit Emma par des mots usés, des images prêtes à l'emploi. Quant à Léon, clerc de notaire qui abandonne ses aspirations romantiques et tout idéal pour s'établir à Rouen et mener une vie rangée en épousant une mademoiselle Lebœuf, il incarne le conformisme bourgeois aux yeux du romancier. Enfin, les personnages servent le projet flaubertien de dénoncer la bêtise humaine et la bassesse : l'hypocrisie, l'égoïsme, la médisance caractérisent l'ensemble de la population. C'est d'ailleurs sur le triomphe de la mesquinerie que Flaubert clôt son roman puisque l'opportunisme du pharmacien Homais est la démonstration de la décadence morale qui gangrène la société normande du XIXe siècle. |
Troisième sous‑partie (C) : | |
Formulation de l'argument 3. | Enfin, dans cette évocation de la vie quotidienne, le roman de Flaubert est la peinture de l'ennui d'une femme mal mariée. Emma a, en effet, pris pour argent comptant les idéaux et les mœurs factices popularisés par les lectures romantiques de sa jeunesse et s'est créé une fausse image du mariage, de la société et d'elle‑même. Ainsi, « le médiocre », vu par Emma, correspond à une vie ennuyeuse constituée des mêmes actes habituels, des mêmes sujets de conversation. Le chapitre IX, par exemple, illustre la sourde irritation et la mélancolie qui s'emparent d'Emma au contact quotidien de Charles et la nervosité où la jette cette médiocrité conjugale : « Mais c'est surtout aux heures du repas qu'elle n'en pouvait plus [...] avec le poêle qui fumait, la porte qui criait, les murs qui suintaient, les pavés humides ; toute l'amertume de l'existence lui semblait servie dans son assiette [...]. » Le romancier décrit bien un sentiment d'insatisfaction et l'attente d'un événement qui donnerait un cours nouveau à son existence. Ainsi l'héroïne du roman de Flaubert est‑elle tragiquement vouée à une existence morne, victime d'elle‑même et de son époque. |
Transition : | Si la médiocrité parcourt ainsi Madame Bovary, et devient le sujet même de ce roman réaliste, elle exige néanmoins de la part de l'écrivain un travail stylistique extrêmement ciselé. |
Deuxième grande partie (II) : | |
Deuxième réponse au sujet. | Vouloir « bien écrire le médiocre » demande en effet à Flaubert de le transfigurer par un travail d'écriture d'une grande précision. L'élévation du style caractérise cette œuvre qui, prenant appui sur un simple fait divers, touche cependant à l'universel. |
Conclusion : | |
En définitive, le roman de Gustave Flaubert offre bien la peinture satirique d'une société inspirée du réel : celle de la médiocrité et de la bassesse des hommes qui évoluent dans le milieu étriqué de la province normande. Toutefois, cette ambition repose sur un travail permanent sur le style, une recherche obsessionnelle du mot juste qui transfigure la platitude et la mesquinerie des personnages. Flaubert a donc su transformer un fait divers banal en œuvre d'art. C'est du reste le propre de l'écrivain de s'emparer de la platitude, de la médiocrité de la vie pour la transfigurer car, selon les mots du romancier adressés à Louise Colet le 25 juin 1853 : « Il n'y a pas en littérature de beaux sujets d'art, et Yvetot vaut Constantinople. L'artiste doit tout élever. » | |
Bilan du développement. Ouverture. |
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Oups, une coquille
j'ai une idée !