Introduction | Présentation générale de l'extrait ➜ Date, contexte historique, auteur, mouvement littéraire. | Le 1er novembre 1755, la ville de Lisbonne fut ravagée par un terrible séisme, ce qui suscita dans toute l'Europe des réactions d'effroi et d'indignation. Ces sentiments se trouvent au cœur du Poème sur le désastre de Lisbonne, écrit par Voltaire un an plus tard, poème dans lequel l'écrivain des Lumières exprime à la fois son désarroi et interroge les causes d'une telle catastrophe.De quelle manière sentiments et arguments cohabitent‑ils dans ce texte ?Après avoir montré comment le poème traduit les vives émotions de Voltaire, nous verrons que l'homme des Lumières critique l'optimisme philosophique, en soulignant son inconséquence. |
Situation de l'extrait ➜ Titre de l'œuvre souligné Question directe. Problématique. Annonce du plan : deux grandes parties. |
Première grande partie (I) : | Formulation de l'axe de lecture 1. | Tout d'abord, la vive émotion du poète face aux conséquences du séisme se traduit à la fois par l'expressivité du texte et par l'effet de réel, qui participent à la tonalité pathétique du texte. |
Première sous‑partie (A) : | Formulation de l'argument 1. | Les premiers vers de ce poème placent d'emblée les lecteurs et lectrices dans une atmosphère de déploration, grâce à leur grande expressivité. En effet, le poème est introduit par la répétition du « Ô » lyrique à trois reprises (v. 1 et 2), qui exprime la lamentation. Les trois premiers vers du poème sont constitués de quatre phrases exclamatives : la ponctuation expressive traduit l'émotion du poète. Ces phrases sont nominales, indiquant que l'émotion l'emporte, dans un premier temps, sur la construction rationnelle du discours. Le vers 1 met en place un parallélisme de construction : il est en effet scindé en deux hémistiches commençant par un « Ô » lyrique et constitués d'un nom et d'un adjectif péjoratif (« malheureux » et « déplorable »). Cette construction symétrique insiste dès le vers 1 à la fois sur la mort des habitants de Lisbonne et sur la destruction de la ville. En outre, le lexique met en lumière la douleur du poète : son adresse aux « philosophes trompés » (v. 4) et implicitement à son lectorat exprime une désolation collective : « vous pleurez comme nous » (v. 28). Le champ lexical de la douleur est complété au vers 30 par un parallélisme de construction, qui met en valeur les réactions du poète : « Ma plainte est innocente et mes cris légitimes. » Les déterminants possessifs présentent ce poème comme un témoignage personnel de l'auteur, qui semble impliqué dans son discours de façon authentique. |
Deuxième sous‑partie (B) : | Formulation de l'argument 2. | De plus, Voltaire cherche à susciter la pitié et la compassion chez ses lecteurs et ses lectrices : il utilise ainsi la tonalité pathétique. Celle‑ci s'appuie tout d'abord sur une hypotypose, c'est‑à‑dire une description suscitant un effet de réel. L'énumération des vers 5 à 12 participe grandement à la construction de cette tonalité. En effet, le poète liste les victimes du séisme (« ces femmes » v. 7, « ces enfants » v. 7, « ces membres » v. 8, « cent mille infortunés » v. 9) mais aussi les dégâts matériels (« ces ruines » v. 5, « ces débris, ces lambeaux, ces cendres » v. 6, « ces marbres rompus » v. 8). La répétition des déterminants démonstratifs rendent cette scène présente à l'esprit des lecteurs et lectrices, comme si le poète la désignait du doigt. Le terme « spectacle » (v. 14) insiste sur la dimension visuelle de la catastrophe. Le poète fait également appel au sens de l'ouïe, à travers la description des « cris demi‑formés de leurs voix expirantes » (v. 13), bien que les adjectifs fassent de ces sons des indices de la mort à venir. En outre, la multiplication des adjectifs connotant la désolation participe à créer cette atmosphère morbide : les rimes font plus particulièrement entendre les couples « déplorable » (v. 1) / « effroyable » (v. 2), « affreuses » (v. 5) / « malheureuses » (v. 6) et « expirantes » (v. 13) / « fumantes » (v. 14). Les corps sont présentés comme des objets : ils sont « entassés » (v. 7), et le poète évoque un « amas de victimes » (v. 17). Ces images lient la mort des Lisboètes et la destruction de la ville, soulignées par exemple dans le parallélisme « sous ces marbres rompus ces membres dispersés » (v. 8) : l'allitération en [m] met en valeur les deux noms communs « marbres » et « membres », placés sur le même plan. La ville de Lisbonne n'est d'ailleurs nommée qu'au vers 21 : l'effacement symbolique de son nom accompagne sa destruction, comme le montre la relative « qui n'est plus » (v. 21). Enfin, en désignant les victimes du séisme comme « vos frères mourants » (v. 25), et en utilisant la deuxième personne du pluriel, Voltaire implique son destinataire, les « philosophes » désignés au vers 4, mais aussi, implicitement, son lectorat. En définitive, le poète fait appel à la tonalité pathétique pour exprimer ses émotions et susciter la compassion chez ses lecteurs et lectrices. |
Transition : | Formulation de l'axe de lecture 2. | La tonalité pathétique permet donc d'impliquer le lectorat, afin de le rendre plus réceptif à l'argumentation du poète‑philosophe : derrière l'émotion transparait une réflexion critique s'inscrivant dans le projet des Lumières. |
Conclusion | En conclusion, les trente premiers vers du Poème sur le désastre de Lisbonne présentent une entreprise argumentative efficace, qui s'appuie à la fois sur la tonalité pathétique et sur des questions rhétoriques invitant au rejet de l'optimisme philosophique. S'intéressant à un évènement qui a marqué ses contemporains, Voltaire implique directement son lectorat et cherche à susciter sa compassion, afin de mieux démontrer l'insensibilité de certains philosophes. Il pose ainsi la question philosophique de l'existence du mal et de la souffrance. Si Voltaire se sert de la poésie et de l'argumentation directe pour mener un débat d'idées, certains romans, comme La Peste d'Albert Camus, permettent aussi à plusieurs conceptions philosophiques de s'affronter : la question de l'origine du mal et des réactions des êtres humains face aux catastrophes quitte ainsi le terrain de l'essai et rencontre celui de la fiction littéraire. | |
Bilan du développement. Ouverture. |
Interprétations / analyses qui permettent de dégager le sens du texte en fonction de l'idée directrice choisie. | Identification des procédés d'écriture. | Citations précises et exactes du texte-support. |
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La rencontre entre Micromégas et les Terriens révèle la dimension plaisante et néanmoins satirique du conte voltairien. Pour conférer à son texte fantaisie et humour, Voltaire organise d'abord une scène comique en utilisant le point de vue naïf du géant puis son incompréhension pour mettre en valeur la satire. En effet, l'habitant de Sirius pense avoir découvert des êtres parfaits et s'adresse à eux en tant que tels avec un début de dialogue solennel, sérieux en apparence. Ainsi, émerveillé par les connaissances de ces êtres minuscules, sa naïveté s'exprime par des périphrases comme « atomes intelligents, dans qui l'Être éternel s'est plu à manifester [...] sa puissance » (l. 1‑2). Le ton est celui d'un discours respectueux et laudatif avec l'apostrophe d'invocation « ô atomes intelligents » (l. 1) et le lexique mélioratif composé des termes « aimer », « penser » (l. 4), « joies bien pures » (l. 2), « paraissant tout esprit » (l. 3). Mais au cours du dialogue, les philosophes ouvrent les yeux du géant et lui opposent une vision négative de l'humanité par une énumération dégradante : « un assemblage de fous, de méchants et de malheu- reux » (l. 7‑8). L'indignation de Micromégas s'exprime alors par le blâme au moyen de périphrases ou d'adjectifs dépréciatifs tels que « Ah ! malheureux » (l. 22), et il cède presque à la colère : la métaphore de la « fourmilière d'assassins ridicules » (l. 24) que le géant a la tentation d'écraser, exprime, par cette forme d'animalisation, l'écœurement de l'extraterrestre devant des scènes terrestres d'une grande violence. Finalement, c'est bien le contraste entre le caractère solennel du discours, la vision idyllique d'une humanité vivant dans le bonheur et le récit des atrocités qui suit, qui établit la satire. De plus, par un jeu de renversement et sur un ton moqueur, Voltaire utilise le personnage du géant pour mettre en évidence la petitesse des hommes. L'ironie du conteur est très présente et se met au service de la réflexion. Ainsi, Micromégas est un personnage supérieur par la taille et par l'esprit : d'ailleurs il a entrepris le voyage par curiosité intellectuelle et les termes « matière » (l. 3) et « esprit » (l. 3), employés pour juger les hommes, renseignent sur son savoir et font de l'extraterrestre l'archétype du philosophe des Lumières. En outre, la moquerie implicite nait de la naïveté du géant et d'un éloge plutôt paradoxal : des effets de contraste et de disproportion sont ainsi perceptibles et ont pour but de ridiculiser les hommes et de rabaisser leur orgueil : les antithèses servent à opposer la petitesse et la vulnérabilité des hommes à la taille du géant, l'infiniment grand à l'infiniment petit. Il en est de même de l'expression oxymorique utilisée par Micromégas pour s'adresser aux hommes dans l'apostrophe « Ô atomes intelligents » (l. 1), qui est humoristique et oppose la taille ridicule des hommes à l'« Être éternel » (l. 1). La comparaison « grand comme votre talon » (l. 16) permet en outre de mesurer l'étendue d'un territoire au pied du géant. Ainsi Voltaire utilise le regard excentré et candide du voyageur étranger pour juger l'homme d'un point de vue ironique. Enfin, la fantaisie invite aussi à une leçon philosophique. En effet, par l'opposition entre la petitesse et la grandeur, Voltaire cherche à faire prendre la mesure de la place toute relative de l'homme dans l'univers en le forçant à regarder avec humilité ce qui l'entoure : imbu de sa grandeur, il doit prendre conscience de sa petitesse, de la misère de sa destinée. Ainsi, le relativisme présent à travers les métaphores des « atomes » (l. 1) et des « chétifs animaux » (l. 15) est la découverte de la variété des êtres et des choses dans le monde. Ce sentiment de la relativité invite à une leçon de sagesse morale qui consiste à rabaisser l'orgueil de l'homme : celui qui se croit supérieur est en réalité un insecte fragile qui devrait plutôt songer à améliorer sa vie et celle de ses semblables. Voltaire se plait à faire émerger la vanité des hommes qui se croient supérieurs. Cette scène met donc en évidence une autre disproportion entre la taille ridicule des hommes et leur orgueil, leur capacité à détruire et à se disputer. |
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Oups, une coquille
j'ai une idée !