Je ne vais plus à la gare, je traîne un peu sur le boulevard Richard‑Lenoir, c'est un endroit où il y a beaucoup de sans‑abri, sur le terre‑plein central, autour des jardins et dans les squares, ils sont en groupe, chargés de sacs, de chiens, de duvets, ils se réunissent autour des bancs, ils discutent, boivent des canettes, parfois ils rigolent, ils sont gais, parfois ils se disputent. Souvent il y a des filles avec eux, jeunes, elles ont des cheveux sales, des vieilles chaussures et tout. Je les observe de loin, leurs visages abîmés, leurs mains écorchées, leurs vêtements noirs de crasse, leurs rires édentés. Je les regarde avec cette honte sur moi, poisseuse, cette honte d'être du bon côté.